Les US à Nice
Philippe Labro en amoureux de la culture américaine transpose à Nice un roman new-yorkais d'Ed McBain. Sans mobile apparent est un polar solide, efficace et carré bien que l'on ne soit pas bluffé par...
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le 12 mai 2022
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10
Un mystérieux sniper dégomme à la chaîne des notables niçois,au grand dam de l'inspecteur Carella,le policier surdoué mais désagréable et obsessionnel qui dirige l'enquête.Philippe Labro fut un excellent réalisateur de polars,et celui-ci figure parmi ses meilleurs.Il l'a coécrit avec le célèbre écrivain Jacques Lanzmann,les deux hommes entamant ici une fructueuse collaboration qui durera pendant quatre films.Ils adaptent en l'occurrence un roman intitulé "Dix plus un" signé Ed McBain,un cador américain de la spécialité polardeuse.Tous les postes techniques sont occupés par des pointures,qu'il s'agisse de Jean Penzer,responsable d'une magnifique photo lumineuse aux couleurs claquantes,du futur cinéaste Claude Barrois au montage ou d'Ennio Morricone en personne,qui nous gratifie d'une fantastique musique au thème marquant et parfaitement adapté à l'intrigue.Labro nous capture d'entrée en nous immergeant dans un cinéma d'ambiance à la fois singulier et conforme aux codes des divines années 70.Le décor de la ville de Nice suscite des images d'une beauté exceptionnelle sans qu'on tombe jamais dans le piège,très courant en pareil cas,du dépliant touristique.Nikaïa la belle sert juste d'écrin luxueux au déroulé d'un polar tendu,vicieux et complexe tout en étant très clair dans sa narration et son évolution.Labro procède par des scènes plutôt courtes faisant constamment passer les personnages d'un lieu et d'une rencontre à une autre.Ca file bon train même si l'enquête piétine,les flics nageant dans le brouillard et l'inquiétant tueur sachant éviter les fautes qui pourraient le faire identifier.D'autre part le réalisateur sait alterner les plans et les points de vue en partant généralement de gros plans pour ensuite élargir la focale,tandis qu'il utilise avec bonheur les plongées et contre-plongées fort adéquates dans cette ville faite de dénivelés vertigineux.Le moteur de l'histoire est la figure centrale de Carella,un type sombre et déterminé aux méthodes brutales qui ne sourit jamais et aboie plus qu'il ne parle.A ce propos les dialogues,probablement dus à Lanzmann,valent leur pesant de pan-bagnat.Quelques exemples:Carella découvre un carnet appartenant à une des victimes,un mec qui se tapait plein de filles,dans lequel le gars consignait les appréciations qu'il faisait des nanas et les notes qu'il leur attribuait.Le flic s'aperçoit qu'il y a là-dedans le nom de sa maîtresse.Son adjoint lui demande quelle note elle a eue et Carella,furibard,de lui répondre du tac au tac:"une très bonne note!".On a aussi ce jeu télévisé ressemblant fort au célébrissime Schmilblick de Guy Lux et qui voit un candidat questionner ingénument l'animateur en lui disant:"est-ce qu'on peut frapper sa femme avec l'objet mystère?".Allez tenter ce genre de blague aujourd'hui!Une dernière pour la route avec l'inspecteur qui assiste à une répétition théâtrale et demande à un jeune comédien:"c'est un mélodrame?",et le loustic de répondre:"non,c'est un mélomerde!".On le voit,tout ça baigne dans une atmosphère empreinte de cynisme et d'ironie,mais là aussi les auteurs trouvent l'équilibre et ne basculent jamais dans la guignolade,cette série de meurtres étant traitée de manière sérieuse,voire tragique.Par conséquent,si l'ambiance rappelle le polar américain,Labro est un fan des States et il adapte un bouquin amerlo,ça s'apparente aussi au giallo via cette noirceur traversée d'humour et cet érotisme latent assuré par la présence de très jolies filles aux tenues suggestives.Si on remplaçait les scènes,essentiellement diurnes et ensoleillées,par des séquences nocturnes,et le fusil à lunette de l'assassin par un couteau,on pourrait se croire dans un Argento ou un Bava.Ne manquent même pas l'observation des techniques policières et la musique atmosphérique de Morricone.Du reste il s'agit d'une coprod franco-italienne.Au rayon des défauts on peut souligner quelques longueurs,le jeu approximatif de certaines actrices,heureusement compensé par leur charme,des scènes d'action pataudes,un dénouement décevant et le dévoilement trop rapide de l'identité du coupable,mais globalement le solde reste largement positif.Dans le rôle principal Jean-Louis Trintignant livre l'une de ses meilleures performances en flic malin aussi tendu que peu amène.L'acteur offre une prestation d'une rare intensité à laquelle le film doit beaucoup.Il est entouré d'un quarteron de dames horriblement sexys,de Carla Gravina,fort bien doublée par Nadine Alari, en maîtresse équivoque à Stéphane Audran en bourgeoise incandescente,en passant par une Laura Antonelli assez faible et éteinte en femme traumatisée et surtout Dominique Sanda,pas très juste mais qui irradie l'écran en jeune héritière bien salope et vicelarde.Côté mecs on a un étonnant Sacha Distel,le chanteur effectuant ici sa seule apparition au ciné pour y dévoiler un joli talent en animateur de jeu télé frimeur.Paul Crauchet fait valoir son métier très sûr en auteur dramatique ringard,tout comme Jean-Jacques Delbo en commissaire exigeant et André Falcon en sous-préfet sous pression.Jean-Pierre Marielle apporte sa densité habituelle en mari désemparé alors que Pierre Dominique et surtout Gilles Segal excellent en adjoints hargneux de Carella.Amusant numéro d'Alexis Sellan en dragueur ultra-caricatural et étonnante incursion de Jean-Claude Remoleux,un des acteurs fétiches de Mocky,en candidat de jeu télé indélicat.Et puis la surprise du chef,la présence en astrologue suisse passeur d'argent d'évasion fiscale du romancier américain Erich Segal,celui de "Love story" et de ses suites.Anecdotiquement on peut relever que deux des comédiens,Trintignant et Distel,figurent au nombre des amants de Brigitte Bardot,mais il est vrai que la liste est longue des stars ayant bénéficié des faveurs de BB.Critique et note de film de Philippe Labro publiée précédemment:"L'alpagueur"-4.Moyenne:5,5.
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le 16 août 2023
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