Sans pitié
6.2
Sans pitié

Film de Alberto Lattuada (1948)

Réalisé par Alberto Lattuada, scénarisé par Federico Fellini, Tullio Pinelli, et Ettore Maria Margadonna, orchestré par Nino Rota, produit par Carlo Ponti, et avec en tête d'affiche John Kitzmiller, Carla del Poggio et Giuletta Masina, Sans Pitié forme une superproduction néoréaliste, un alignement des étoiles qui desservira finalement une cause inédite pour l'époque : le racisme.


Sans Pitié est avant-gardiste pour un film sortie en 1948. C'est foncièrement un film anti-raciste où les relations amicales et amoureuses entre femmes blanches et hommes noirs sont possibles. Ce choix fut très décriée à l'époque, notamment aux États-Unis, et aujourd'hui c'en est d'autant plus louable que cela apporte une nouvelle vision de l'Italie d'après guerre.

Les personnages vivent dans une Italie ravagée par le conflit et tenue par des troupes américaines. Pour s'en sortir, les italiens doivent s'atteler à des activités illégales telles que la prostitution ou le vol de marchandise. Si cette chose ne dessert finalement que les maquereaux et les malfrats, les civils les plus honnêtes n'ont le choix de les servir pour pouvoir partir. Le rêve de chacun d'eux est de s'enfuir et pour se faire ils doivent accumuler de l'argent, chose que seuls les malhonnêtes possèdent. La place de l'argent est tellement importante qu'à l'église – dans une séquence poignante – Angela en donnera à la Madone lors de ses prières comme si elle l'a payait pour qu'elle puisse la délivrer de son malheur. C'est ainsi que la mer prend une place fondamentale dans le métrage car elle est synonyme de liberté. Ceci est prouvé par la réalisation où sur la terre ferme il y a de nombreux travelling gauche, notamment avec le train sur lequel est Angela au début, tandis que lorsque nous voyions le bateau il y a un travelling droit indiquant qu'il est le seul moyen pour pouvoir aller de l'avant. La séquence où Marcella – interprétée par Giulitta Masina volant complètement la vedette aux autres – est d'autant plus évocatrice car lorsqu'elle s'en va au loin sur sa barque, elle fait face à une immense étendue de mer paisible. A l'inverse, le plan suivant qui est quasiment un raccord dans l'axe, dévoile une Angela marchant sur une plage désordonnée avec – néoréalisme oblige – une cabane en ruine, soulignant ainsi l'état cauchemardesque de l'Italie de cette époque. Angela réussira malgré tout à atteindre la mer avec son ami Jerry, cependant, ça ne sera pas dans les mêmes conditions que Marcella.

Angela est la protagoniste du métrage et va devoir se prostitué pour survivre, De son côté, Jerry est un soldat américain qui sera accusé à tort de voler les provisions de l'armée. Les deux personnages se rejoindront dans le malheur et souhaiteront eux aussi partir. Alors que tout allait pour mieux, le genre du métrage les rattrapera en tuant Angela. Jerry l’emmènera ainsi dans son camion et tout deux se jetteront d'une falaise, la dévalant jusqu'à la mer. Avant que cela se produise, le visage de Jerry sera baigné d'une lumière libératrice. Était-ce vraiment une libération ? Les deux corps seront certes liés par la mort comme le montre le plan sur leurs mains, toutefois, ils se retrouveront à un pas d'une mer déchainée, la fureur des éléments marquant la tristesse de ce suicide.

Pour conclure, ce qui est le plus intéressant avec ce métrage est le parcours croisé qu'ont Angela et Jerry. Dans les premières minutes Jerry se fait tirer dessus, ensuite Angela sera enfermée puis s'enfuira, plus Jerry subira le même sort, et à la fin Angela se fera tirer dessus. Ces deux âmes faites pour se rencontrer, possèdent un destin identique allant au-delà des barrières de langues et de couleur de peau, un beau message malgré la fin douce amère.


Sans Pitié est loin d'être un chef d’œuvre du néoréalisme italien, néanmoins, il réussit à se démarquer par ses thèmes, ceux-ci lui permettant d'être un excellent film de complément pour quelqu'un habitué à ce genre cinématographique.

Flave
6
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le 10 juin 2022

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Flave

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