Il faut bien reconnaître que le projet piquait un peu les yeux : voir l’un des fondateurs du CCC se retrouver en Père Noël voulant sauver la distribution des cadeaux pour tous les enfants du monde sonnait un peu comme la victoire du conformisme, au risque de voir un des Nuls le devenir réellement.
Mais certaines lois sont immuables, et le naturel, c’est bien connu, ayant - l’ici très bonne - coutume de revenir au galop, on pouvait supputer quelques doses de finesse dans l’immonde abrupt du vomi de fin d’année.
On n’échappera certes pas aux bons sentiments et à la formule sempiternelle sur le mode Visiteurs, permettant la satire de notre monde par le biais du regard naïf de l’étranger.
Mais tout est question de dosage, et c’est sans doute sur ce point que le film s’en sort le mieux : alors qu’on pouvait redouter une débauche d’effets visuels et de la magie à vous retourner la rétine, Chabat sait disséminer son robinet numérique. Mieux, la première séquence dans son monde semble résolument organique, dans un univers que ne renierait pas J.P. Goude et les petits bonhommes Kodak : agréablement cartoon, dans des décors qui semblent davantage carton-pâte qu’écran vert, et agrémentés d’une foule d’idées sur la fabrication de jouets, des moutons pop-corn aux poche à douilles pour rubans. Ce sens du détail, les vannes de Chabat et sa première incursion parisienne donnent un tempo inspirant clairement la bienveillance.
Cette idée d’éviter l’hystérie, de ne pas aligner les climax et de prendre le temps de faire exister ses personnages (jusqu’aux rennes avec qui les conversations sont substantielles) permet au film de se démarquer : le regard qu’il porte sur les enfants, par exemple, les presque temps morts avec la famille et cette incitation à l’attente témoignent d’un désir de bien faire devenu assez rare dans le cinéma de divertissement – et plus particulièrement celui destiné aux enfants. C’était d’ailleurs le sujet de son entretien avec son lutin en chef, qui lui expliquait qu’on bon jouet se fait dans la joie, et que l’idée de production à la chaîne n’est de ce fait pas souhaitable.
Sur le plan du décalage dans la découverte des humains, si les vannes sur la découverte de l’argent sont un brin éculées, celles sur la prise de conscience de ce que sont les enfants lorsqu’ils ne dorment pas relève d’une vraie bonne idée d’écriture, et participent de cette observation malicieuse des personnages.
Bien entendu, le traineau reprend souvent ses ornières pour servir le récit convenu, mais le charme opère à la manière du croustillant disséminé sur le haut du crumble : des vannes (autoréférences avec Red is Dead dans un ciné, par exemple, et tout le lexique du Père Noël revisité, sur le mode « faut se sortir les doigts du train eau » ou « arrêtez de me prendre pour un flocon », « vous me faites tous skier », etc. et des sorties assez amusantes sur l’attrait malaisant du vieux barbu pour les enfants), des guests (bonnes apparitions du Palmashow ou de Bacri) et quelques tacles à l’esprit de Noël en famille.
Évidemment, quand on voit le talent du bonhomme et son indécrottable charme, on aimerait bien le voir plus exploité dans un format débarrassé des pesanteurs enfantines. Mais force est de reconnaitre que rendre regardable, voire attachant un film sur Noël à voir avec sa marmaille a tout du joli cadeau.
(6.5/10)