Présenté en compétition à Cannes dans la catégorie *Un Certain Regard*, *Santosh* de Sandhya Suri est un thriller politique et féministe d'une rare intensité. Injustement boudé au palmarès, ce film offre pourtant un regard nuancé et captivant sur une Inde gangrenée par la corruption, le sexisme institutionnel et les humiliations liées au système des castes.
L'intrigue nous emmène dans une région rurale du nord de l'Inde, où Santosh, une jeune veuve, hérite du poste de son défunt mari et devient policière, comme le permet la loi. Le récit s'articule autour de l'enquête qu'elle mène sur le meurtre d'une jeune fille de caste inférieure, aux côtés de l'inspectrice Sharma, figure charismatique et ambigüe qui la prend sous son aile.
Le film de Sandhya Suri se distingue par sa capacité à éviter les pièges du manichéisme. Loin de présenter la corruption et la violence comme des maux externes imposés à des personnages innocents, Suri choisit de les aborder comme des réalités complexes, omniprésentes et quasi universelles. C'est là que réside toute la force et l'originalité de *Santosh* : le film explore l'ambiguïté morale de ses personnages avec une audace rare. La supérieure de Santosh, l'inspectrice Sharma, incarne à elle seule cette ambivalence. À la fois mentor bienveillante et représentante d'un système corrompu, elle pousse Santosh à confronter ses propres valeurs éthiques dans un monde où les certitudes se désagrègent.
La performance de la protagoniste, Santosh, est poignante. Cette femme, bienveillante et idéaliste, est progressivement confrontée à une réalité qui met à l'épreuve ses convictions et sa morale. Le film peint avec une subtilité redoutable le dérèglement éthique qui s'opère en elle, illustrant la manière dont le système peut broyer même les âmes les plus pures.
*Santosh* est bien plus qu'un simple thriller policier : c'est un miroir sans concession de l'Inde moderne, où la corruption est omniprésente, mais où l'espoir de changement persiste malgré tout. Sandhya Suri, par son approche courageuse et non condescendante, transcende les clichés habituels des récits de dénonciation pour offrir une réflexion complexe et profondément humaine.
En fin de compte, *Santosh* est un film puissant et nécessaire, qui mérite bien plus que la reconnaissance qui lui a été accordée à Cannes. Suri nous livre ici une œuvre passionnante, dérangeante et indispensable, à voir absolument pour comprendre les défis de l'Inde contemporaine, mais aussi pour questionner notre propre rapport à l'éthique face à l'injustice systémique.
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