Il y a deux sortes d'intouchables en Inde : ceux que personne ne veut toucher, car de trop basse extraction, et ceux qu'il est impossible d'atteindre, formant une "élite." Sous couvert de polar, Santosh réussit le prodige de nous immerger dans l'Inde profonde d'aujourd'hui, malade de son système des castes, de sa haine des musulmans et de son mépris des femmes. Autant de sujets, autour d'une violence endémique, dignes d'un documentaire, mais jamais exposés de manière didactique mais au contraire parfaitement intégrés dans une narration fluide, enrobée dans une mise en scène élégante et percutante, à l'occasion. C'est une vision de l'Inde moderne, féminine et lucide, qui rejoint le grand cinéma d'auteur indien, celui de Satyajit Ray, dans une version actuelle certainement moins apaisée car farouchement proche de la réalité. Si l'on ne peut qu'admirer l'authenticité du tableau ainsi brossé, il ne faut pas omettre pour autant la maîtrise des éléments de fiction et de suspense par la réalisatrice, Sandhya Suri,, et la subtilité de ses portraits de femmes policières, à savoir Santosh et sa mentor, deux faces d'une même pièce, quant aux compromis et compromissions qu'elles sont chacune à même d'accepter, ou non. Dans un style très différent mais avec des thématiques proches, Santosh aurait pu figurer dans la compétition officielle cannoise au côté de All we imagine as Light. Et l'impressionnante Shahana Goswami aurait ainsi eu l'opportunité de postuler pour le titre de meilleure interprète féminine, avec les meilleures chances de l'emporter.