Remarquablement interprété par Shahana Goswami et Sunita Rajwar, Santosh brosse un très beau portrait de femmes contraintes de se faire une place dans un milieu d’hommes en sacrifiant intégrité et morale sur l’autel de la réussite sociale. La réalisatrice veille à redoubler la caractérisation de notre personnage principal par celle d’une autre femme, sa supérieure hiérarchique nommée Sharma, sorte de Janus dont les deux visages antagonistes articulent revendications progressistes et acceptation de la corruption ambiante et des inégalités sociales qui les creusent. Sa mise en scène commence et s’achève de la même façon, soit par une posture de témoin qui ne capte le corps de Santosh que par le prisme d’obstacles (grille métallique du domicile familial, encadrement de la portière d’un véhicule, espace séparant les wagons d’un train long) de sorte à insister sur sa liberté profonde : celle-ci ne cesse d’échapper aux cadres qui tentent de l’enfermer, de se soustraire à ce destin défavorable en s’appuyant sur des individualités sans s’y inféoder. Les quelques cadeaux et bijoux ressemblent à des pots-de-vin, c’est pourquoi la jeune gardienne de la paix les restitue avant départ en ce que les restituer rend possible ce départ vers un ailleurs incertain. La boucle narrative – le long métrage représente une initiation professionnelle qui n’aboutit pas en tant que telle – permet néanmoins l’accomplissement d’un deuil, et la traque d’un coupable présumé mute en vengeance intime par Musulman interposé, occasionnant un déferlement de violence qui la dénature.
En somme, le spectacle de la corruption devient synonyme de redéfinition d’un être sinon égaré ; la « loi de la compassion » s’applique paradoxalement en statut de hors-la-loi et d’apprentissage de la dureté voire de l’insensibilité. Au-delà d’un thriller réussi, Santosh propose à son spectateur une immersion précieuse dans les arcades de la société et de la justice indiennes, faisceau d’intérêts divergents et de rivalités économiques, religieuses, sexuelles et genrées.