Critique / Cannes : Sarah préfère la course (par Cineshow.fr)

Présenté dans la sélection Un Certain Regard, Sarah préfère la course est le premier long-métrage de la cinéaste Quebecquoise Chloé Robichaud, une présentation pile un an après avoir concouru pour la Palme d’Or du meilleur court-métrage à Cannes. Même si peu de films Québécois arrivent jusque dans nos salles hexagonales, ceux-ci propose un véritable regard sur notre société, un point de vue différent et terriblement efficace à justifiant aussi le buzz qu’avait suscité Starbuck l’an dernier. Alors qu’il n’a pas encore de date de sortie française, on espère que Sarah préfère la course ne tardera pas à arriver car en dépit de quelques défauts inhérents à tout premier film, ce passage au format au format long de Robichaud se révèle être franchement enthousiasmant et particulièrement touchant.

Décidément, le passage de l’adolescence à l’âge adulte aura été l’un des thèmes récurrents de ce 66e festival de Cannes. Un constat pas si désagréable que cela puisqu’il permet de mettre en comparaison les différentes œuvres présentées et confronter ainsi les points de vus abordés. Après Suzanne présenté à la Semaine de la Critique, La vie d’Adèle en compétition officielle, The Bling Ring (un peu) mais aussi Jeune et Jolie, c’est donc au tour de Sarah préfère la course de s’y frotter sur fond de course à pieds. L’histoire en elle-même n’a rien d’exceptionnelle, et dépeint un morceau de vie de Sarah, jeune femme introvertie et peu enclin à la séduction, mais passionnée et talentueuse lorsqu’il s’agit de courir. Une passion qui lui permettra d’intégrer l’une des meilleures écoles du Québec pour poursuivre dans cette voie et envisager, peut-être, le rêve Olympique. Pas vraiment soutenue ni aidée par ses parents dans cette démarche, Sarah et son colocataire décideront de se marier (alors qu’ils ne s’aiment pas et ne sortent pas ensemble) pour bénéficier des primes associées. Un point de départ qui marquera le début d’une véritable quête identitaire, brassant les questions fondamentales que l’on se pose à l’âge dit ingrat pour les traiter avec un sens du tact et une telle sincérité que l’émotion arrive d’elle-même. Entre découverte de l’amour, recherche de son orientation sexuelle, et passion quasi maladive pour un sport, Sarah préfère la course ne transcende pas l’approche vis-à-vis de ces sujets, mais les confrontent en permanence au contexte social local ce qui est fait tout l’intérêt.

En offrant une réalisation rigoureuse même si quelque faux-raccords peuvent être notés, le film de Robichaud se montre étonnamment mature sur le plan formel, tirant profit au maximum des espaces qui lui sont offert pour proposer des cadres et mouvements de caméras franchement intéressants. Les séquences de courses à pieds, tant sur le stade que dans les rues fonctionnent réellement bien et semble trouver une dynamique nouvelle grâce à l’aspect minimaliste des images. On sent que le travail préparatoire a été fait, et surtout bien fait, pour réussir autant de plans réfléchis et convaincants malgré la durée du tournage de 23 jours. Mais ce qui crève encore plus l’écran, c’est la prestation de Sophie Desmarais dans le rôle de Sarah. Même si elle bien entendu épaulée par un ensemble de jeunes acteurs et actrices de talent, elle porte le long-métrage sur ses épaules en offrant un naturel de jeu impressionnant. Par ses regards fixes mais semblant contempler systématiquement un univers parallèle, cette actrice montante fascine par la distance générale qu’elle arrive à véhiculer dans sa manière d’évoluer dans le long-métrage. Avec quelques scènes pas évidentes à jouer et surtout à rendre crédibles (la séquence de ce que l’on suppose être un dépucelage à même le sol de la cuisine est certainement l’exemple le plus marquant), elle traduit la volonté de la réalisatrice à l’image avec une réelle aisance provoquant une empathie salvatrice immédiate, et pour le personnage, et pour le film de manière générale.

Malgré un sujet traité avec sérieux, le film trouve dans sa construction les ressorts pour appliquer une réelle couche comique à l’ensemble, un élément essentiel sur lequel Starbuck jouait déjà à 100%, mais qui permet ici de ne jamais tomber dans un formalisme méprisant. Par ses dialogues ciselés, faisait très régulièrement mouche, et quelques scènes vraiment marquantes, Sarah préfère la course demeure une comédie dramatique abordée avec réalisme mais toujours avec le recul nécessaire pour rester dans cette proximité avec les spectateurs. La notion d’obsession maladive y est crédible, parfois sur le fil mais toujours mesurée. On pourra regretter néanmoins un manque d’approfondissement de quelques thématiques intéressantes pour la construction du personnage de Sarah, comme ce désir homosexuel naissant mais finalement expédié en simplement quelques scènes réussies. Avec ses nombreuses qualités plastiques, une bonne humeur naturelle malgré le coté renfermé du personnage principal, une révélation d’actrice et une sincérité à toute épreuve, Sarah préfère la course est un premier petit film absolument savoureux, l’un de ces plaisirs du Festival qui font énormément de bien entre deux grosses machines d’ailleurs pas forcément au niveau que l’on pouvait espérer.

Il ne reste plus qu’à croiser très fortement les doigts pour que la sortie française ne tarde pas trop. En attendant, le film sortira le 7 juin prochain au Canada.
mcrucq
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le 23 mai 2013

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Mathieu  CRUCQ

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