Il est souvent plus difficile de confirmer que de débuter par une oeuvre originale artistiquement réussie et plébiscitée par le grand public. Souhaitons au cinéaste suisse le même plébiscite avec ce nouveau film. Car oui celui-ci est bel et bien à la hauteur de nos attentes.
Je lis ici et la que le ton résolument enfantin de l'œuvre nuit grandement à son accomplissement. On lui reproche de beaucoup trop édulcorer la violence politique des rapports de force entre l'industrie agro-alimentaire et les militants écologistes. On prendrait ainsi les enfants pour des buses. À tout ceci, je rétorquerais que la charge me semble trop lourde. Combien même on peut partager certains griefs (ce que je ne manque pas de faire).
On peut effectivement s'étonner de la limpidité résolutoire de l'éternel conflit nature/culture (je reviens régulièrement sur ce point car il ne me semble pas assez analyse, ou alors assez mal, dans le divertissement grand public). Regretter également une certaine propension à caricaturer le Grand Capital comme unité univoque peuplé d'abrutis castrateurs, en corrélation avec la grande fraternité redemptrice du Grand Peuple Humaniste. Sans doute aurait il mieux fallu un peu plus de nuance dans les deux camps.
Mais enfin, ne peut-on tout simplement pas s'accorder sur le fait que cette approche minimaliste de la cause environnementale est une bonne initiation pour tous ceux, jeunes et moins jeunes, qui sont éloignés de ces enjeux vitaux par manque de volonté et/ou de temps? On reproche assez (et à juste titre d'ailleurs!) aux grands divertissements familiaux d'abrutir la masse, donc il serait vraiment dommage de ne pas savoir saisir ce genre d'opportunité!!!
Louons plutôt les fortes belles qualités artistiques artisanales de l'animation image par images, saluons la rondeur amusante de ces personnages modelés par la patte traditionnelle, et reconnaissons la minutie des décors equatoriaux et tropicaux. Et n'oublions pas que le film n'elude pas totalement des bribes de violence, aussi bien physiques (morsures de serpents putrefiantes, loi de la jungle animale des plus forts qui dévorent les plus faibles, braconnage et pillage des espèces en voie de disparition) que morales (expropriation des terres, destruction environnementale, agonie et disparition des peuples autochtones). Ce n'est tout de même pas banal pour un film qui vise une aussi large audience.
Le film est vivant, rythmé, contemplatif, coloré, amusant, un peu baroque et idéologiquement animiste, raconte avec simplicité et rend intelligible à tout un chacun le sujet plus que jamais contemporain de l'eco anxiété. Sans atteindre le génie d'un Mononoke Myazakien par la rigueur et l'ampleur dramatique, il remplit plus que correctement son office. Et c'est déjà très bien!