Attiré par le concept du personnage de rônin manchot borgne à grande gueule du film de Hideo Gosha (et accessoirement par son penchant féminin Lady Sazen), je me suis penché sur cette première adaptation en parlant de 1935, elle même inspirée des nouvelles à succès de Fûbo Hayashi, et première d’une longue série à venir.

On peut dire que j’ai eu du pot ; c’est une merveille.

Le film de Yamanaka est un petit bijou de légèreté et de cynisme habilement mariés dans une comédie échappée d’un autre temps ; une sorte de parenthèse enchantée et magique. "Tange Sazen yowa: Hyakuman ryō no tsubo", qui rend au passage le personnage de Tange plus comique qu’à son origine (origines tragiques, d’ailleurs), ne manque pas d’épingler tout un ensemble de pans consternants du comportement humain : orgueil, vantardise, mensonge, manipulation, appât du gain, inconstance, et j’en passe. Le tout est emballé dans un écrin délicieusement drôle, fait d’agitation, d’ironie, et de roublardise bon enfant. Le fond s’en retrouve ainsi mis en relief de façon fine et efficace.

La forme quant à elle est absolument sublime. Images d’un autre temps, décors soignés et pleins de charme (décidement je suis fan des décors de studio), acteurs parfaits (Denjirô Ôkôchi, cabotin, gueulard au cœur tendre, semble déjà irremplaçable…), réalisation soignée et dynamique qui respire dans son cadre, dialogues savoureux, personnages attachants aux relations drôles et tendres (mention spéciale au triangle Tange-Ofuji-Yasu).

Si on peut regretter un mixage sonore parfois (souvent) inégal en défaveur des dialogues, souvent étouffés par le niveau des musiques, on est cependant ravis lorsque ces dernières viennent nous chatouiller les lobes de leur mélodies ravissantes (la pêche aux poisson rouge), entrainantes (le thème principal et des collecteurs d’ordure), ou tout simplement magiques (la beauté de la première chanson de Ofuji au shamisen accompagnée de la caméra libre de Yamanaka… !).

Oh comme je ne regrette pas de m'être plongé dans cette péloche inestimable ! Je ne mets pas 10 très souvent, c’est vous dire ce qui passe au travers de cette histoire tendre, lucide et délicieusement amusante; critique d’une époque et de l’homme de son temps. Si la bobine s’est bonifiée avec le temps, on regrettera que l’homme, lui, n’en fasse autant.
real_folk_blues

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

44
9

D'autres avis sur Sazen Tange, le pot d'un million de ryôs

Sazen Tange, le pot d'un million de ryôs
RKM
10

Critique de Sazen Tange, le pot d'un million de ryôs par RKM

Denjiro Okochi* tient le rôle de Tange Sazen, un rônin qui a des similitudes avec le personnage de Zatoichi : il est manchot, balafré et a un bon fond. C'était un personnage assez populaire dans les...

Par

le 7 juil. 2011

44 j'aime

3

Sazen Tange, le pot d'un million de ryôs
Torpenn
8

Ne dépassons pas les borgnes

Difficile de vous parler de ce film après les critiques de real folk blues et de RKM, mais baste ! Essayons tout de même, vous n'aurez qu'à voir chez eux pour compléter... Tout d'abord, il s'agit...

le 12 oct. 2012

41 j'aime

5

Sazen Tange, le pot d'un million de ryôs
Plume231
8

Eh oui, les japonais savent faire rire aussi...

Un des trois seuls films restants sur les vingt-trois de l'oeuvre du réalisateur Sadao Yamanaka, mort à seulement 28 ans de la dysenterie en Mandchourie, mais qui suffit à prouver la marque d'un...

le 17 oct. 2013

16 j'aime

5

Du même critique

Gravity
real_folk_blues
5

2013 L'odysée de l'espèce di counasse...

Évidemment, un pauvre connard cynique comme moi ne pouvait pas ne pas trouver son mot à redire. Évidemment, si je devais me faire une idée de la qualité du truc au buzz qu’il suscite, deux options...

le 28 oct. 2013

285 j'aime

121

Divergente
real_folk_blues
1

Dix verges hantent ces lignes...

Ça fait un moment que j’ai pas ouvert ma gueule par ici. J’aurais pu faire un come back de poète en disant de bien belles choses sur Moonrise Kingdom, vu récemment ; mais non. Fallait que ça...

le 15 avr. 2014

272 j'aime

92

Upside Down
real_folk_blues
2

De quoi se retourner dans sa tombe...

J’ai trouvé une formule tirée de ce film à la rigueur scientifique inégalable : Bouillie numérique + histoire d’amour = Twilight. Je soustrait les poils de Taylor Lautner et je rajoute des abeilles...

le 30 avr. 2013

243 j'aime

39