Honnête faiseur, Christian Duguay est connu essentiellement de par chez nous pour la transposition de la nouvelle « Planète hurlante » de Philip K. Dick en une sympathique série B en 1995 qui a le mérite de se détacher un peu de la nouvelle de base pour la transposer subtilement dans un nouveau contexte (une nouvelle planète, ce qui redistribue les cartes au-delà de l’affrontement USA-Russie de la –très bonne hein—nouvelle de base de Dick).


Sa carrière a d’ailleurs débuté véritablement dans le long-métrage (avant ça il a quand même pas mal tâté de la steadycam dans les années 80 quand il n’était pas réalisateur de seconde équipe) quelques années plus tôt, là aussi avec de la science-fiction, en réalisant rien de moins que les suites du Scanners de David Cronenberg, Scanners II la nouvelle génération (1991) et Scanners III Puissance maximum (1991 aussi, faut battre le fer tant qu’il est chaud que Christian a dû se dire).


Des suites que pendant longtemps je souhaitais voir et que j’avais finalement par la suite oubliées, le temps de compléter quasiment toute la filmographie de Cronenberg. Aussi quand ça ressurgit sur les plates formes de V.O.D, je me dis que le moment est bien choisi pour me faire une nuit spéciale Scanners. Mais voilà… difficile de passer après le film inaugural de 1980 de David Cronenberg.


Parce que d’emblée ce qu’on remarque et que la suite n’a pas, c’est que le canadien a définitivement une vision (d’auteur qui commence à se faire un nom à l’époque mais pas que), qu’il suit son histoire quitte a être dans un aspect très cérébral (la réhabilitation par l’Art comme catharsis pour les scanners, la fameuse scène de scannage d’un ordinateur), qu’il sait doser volontairement ses effets de mise en scène et d’effets spéciaux (passant presque par une sorte de travail qui conjugue suggestion et jeu des acteurs sur les conséquences de ces pouvoirs et n’insistant sur les scènes fortes et choc qu’à 2 reprises dont la fameuse scène de la tête et bien sûr l’affrontement final). Enfin la musique à la fois « organique et mécanique » de Howard Shore qui sert à démontrer les mariages de la biologie et de la technologie à l’écran, majestueusement froide et qui montera d’un palier dans cette voix sur Videodrome, 2 ans après.


Or, par comparaison inévitable à la suite, Scanners II part très mal. Tout comme le film de Cronenberg avait connu son lot de déboires techniques (le canadien n’a toujours pas fini d’écrire son script que le tournage doit commencer, il y a des frictions entre deux acteurs tels que Patrick McGoohan –qui n’est pas qu’un numéro comme on le sait—et Jennifer O’Neill, l’une des scènes musclées du film se solde par la mort d’un cascadeur…), le film de Christian Duguay doit dès le départ faire avec plusieurs difficultés dont un tournage à boucler en moins de deux mois par des températures souvent glaciales (le tournage s’interrompra même une journée).


Le jeune cinéaste d’alors 33 ans n’en mène pas vraiment large sur son premier film. Le spectateur s’aperçoit très vite que même si l’on a affaire à de nouveaux personnages, cette suite reprend dans les grandes lignes sans idées des passages déjà vus dans le premier film 10 ans plus tôt (non les cinéphiles n’ont pas oublié) et essaye même de se rattacher de force à la mythologie développée par Cronenberg dans une greffe forcée en milieu de film (le coup du « mais en fait tu es le fils de… » Pitié pas ça, sérieux…) qui ne prend pas, malgré quelques petites trouvailles appréciables (le fait de voir à travers les yeux de quelqu’un, probablement inspiré du final du premier film).


On ajoute que, ayant touché de la steadycam juste avant, Christian ne peut s’empêcher de bouger la caméra dans tous les sens (raté, les cadrages sont franchement mal branlés la majeure partie du temps) et gérer un montage désespérément mou. Le directeur de la photo filme le tout volontairement en obscurcissant l’image quand il ne met pas des flous dans les reflets… on dirait du David Hamilton à l’image et la coupe est pleine quand un saxo langoureux surgit dans la musique typée très 80 (tu le sens mon gros effet sonore au synthé ?) de sorte qu’à plusieurs moments on se croirait dans un téléfilm de fesses (raté peu de nu à l’écran en plus, shame, shame). Bon les acteurs n’en parlons pas, ils jouent tous mal pour la plupart, ou surjouent (à chaque apparition des méchants John Forrester et Drak, je ne pouvais m’empêcher d’avoir un chœur qui s’enclenchait dans ma tête façon Les Inconnus pour scander « Les méchaaaaaaaants » ♪♫ ).


Au final, une suite très moyenne et qui frôle souvent le nanar.

Et le volet qui suit sans oublier même les films annexes Scanner Cop I et II c’est encore plus n’importe quoi, Pierre David le producteur ayant visiblement voulu capitaliser jusqu’au bout sur le filon. Morale de l’histoire, ne passez pas après un grand cinéaste pour reprendre ses projets persos, il n’est pas sûr que vous arriviez à livrer un travail d’aussi bonne qualité.




Nio_Lynes
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