Voilà encore un film que j'aime de manière inconditionnelle.
Et je n'ai pas totalement tort étant donné que c'est un très beau spécimen du genre cape et d'épée qui se paye le luxe d'une bonne intrigue, de personnages avec de belles évolutions, une certaine absence de manichéisme et en prime l'un des plus beaux duels cinématographiques qui est aussi le plus long.
André Moreau, bâtard de son état mais attributaire d'une confortable rente, vit une vie paisible entre sa maîtresse, la flamboyante actrice Lenore et sa famille d'adoption les De Valmorin.
Mais la révolte gronde en France en cette fin de XVIIIème siècle et son frère adoptif est l'auteur d'un pamphlet virulent contre l'aristocratie.
Celui-ci est tué en duel par le Marquis Noël de Maynes, la meilleure lame de France.
André jure de venger son ami, se cache parmi la troupe de comédiens ambulants de Lenore, trouve le moyen de tomber amoureux d'une jeune fille qui semble être sa demi-soeur tout en prenant des cours d'escrime auprès des meilleurs maîtres d'armes et ça, ce ne sont que les premières 40 minutes!
Georges Sidney réalise ici l'un des mètres étalon du genre. Entre glamour, rebondissement, héros charismatiques, courses poursuites, cascades, duels à l'épée, romantisme et comédie, tout y est.
Le glorieux technicolor se prête admirablement bien à cette période de l'histoire si pleine de couleur et à ce style de film. Certes la France est au bord de la Révolution mais n'oublions pas de mettre des rideaux bien rouges et des rues bien propres!
Qu'importe, ce n'est pas la réalité historique que l'on vient chercher ici mais bien un divertissement de qualité et qui n'insulte tout de même pas l'intelligence de son spectateur.
A ce titre, la dernière scène où Lenore repart avec Napoleon, déjà en tenue et avec sa coupe d'empereur, est à hurler, mais surtout de rire. Le ton est manifestement à l'humour et presque au clin d'oeil, comme pour annihiler la terreur et passer directement à l'empire, faisant ainsi sauter à tous les personnages que l'on a aimé pendant le film cette période meurtrière.
Et puis Lenore ne pouvait pas rester seule!
La distribution est stellaire. Stewart Granger n'a jamais été aussi beau (Qui? Franchement qui peut se permettre de porter des collants moulants rayés noirs et blancs et couverts de sequins sans avoir l'air d'une andouille? Je vous le demande!) et il incarne avec panache et sentiment un héros dépassé par les évènements, un bon à rien qui trouvera en lui la véritable noblesse. Il est charmant à tout point de vue et l'on comprend très bien Lenore de lui pardonner aussi souvent.
Lenore est interprétée tout en fougue et sourires séducteurs par Eleanor Parker, toujours aussi sublime et subtile dans son jeu. Elle tient tête à Granger avec panache et leur couple crève l'écran.
Malheureusement (à mon goût), le véritable intérêt romantique de notre héros est Aline de Gravillac, une pure jeune fille de la noblesse. Heureusement, on nous évite la dinde habituelle et Janet Leigh, toujours ravissante, offre une jeune héroïne pleine de personnalité, loin d'être idiote et qui forme avec Lenore un duo de choc et de charme indéniable. En effet, pour une fois les rivales s'unissent pour le bien de leur aimé et c'est aussi ce qui fait la force du film.
La distribution principale est complétée par Mel Ferrer en Marquis de Maynes : royal, sardonique à souhaite, charmant et parfois touchant mais aussi détestable. Il est aérien dans les duels et son charisme n'a rien à envier à Granger.
Le reste des rôles est assuré par des acteurs de talents comme Robert Coote, Nina Foch ou encore Lewis Stone (ancien héros de cape et d'épée de l'époque du muet) et Richard Anderson.
A noter une excellente musique de circonstance qui sait se faire douce ou menaçante mais aussi pétaradante quand le besoin s'en fait sentir.
Scaramouche est un feu d'artifice d'humour, d'amour, d'aventures et de morceaux de bravoure qui entrecroise les destins sans devenir lourd ou ennuyeux.
Un moment d'éternité cinématographique dans une période suspendue dans le temps, un monde parallèle de beauté et d'honneur où un homme ne peut tuer son adversaire parce qu'il le regarde dans les yeux, où les acteurs sont des hommes politiques, où les différents se règlent par un duel à mort et pas au premier sang, où les marquis vont au théâtre avec une épée et les acteurs de comedia del arte aussi, où les héros masqués ne sont jamais démasqués!
Un dernier mot sur le duel final, sublime, où les techniques respectives des protagonistes brillent de mille feux : Maynes léger et aérien et Moreau plus bas sur ses jambes non moins subtil mais plus puissant. Le parcours est brillant, obéissant aux règles du duel de cinéma avec escaliers, chandeliers, plantes et autres, il couvre du terrain également passant par tous les espaces du théâtre pour finir sur la scène où, comme souvent avec la mise en abime, la vérité est dévoilée, comme la fin d'une pièce de l'époque avec retournements de situation, mensonges et secrets de famille.
Une merveille je vous dis!