Camonte toujours plus dur, gare à la chute

Dans les années 30, la figure du gangster est magnifiée par la presse américaine et les studios hollywoodiens sautent sur l'occasion. Voici le plus célèbre d'entre eux, Al Capone, alias Scarface, appelé Toni Camonte dans ce film qui décrit son ascension, suivie de sa chute inévitable.

En 1929 sept membres du gang O'Bannion se font massacrer par les hommes de Capone le jour de la Saint-Valentin. Les hommes de Capone auraient tué quatre cents hommes, dont une cinquantaine de la main de Capone. Autre épisode connu, celui où au cours d'un banquet dans sa boîte de nuit, Capone tue avec une batte de base-ball trois de ses complices coupables de s'être alliés aux Irlandais.

En 1H33 on se doute que Ben Hecht le scénariste a dû élaguer plusieurs épisodes de la vie du truand et concentrer tous les défauts du gangster américain sur le même individu. Quand Toni Camonte alias Al Capone (Paul Muni) surprend son meilleur ami Rinaldo avec sa sœur et qu'il le tue, ce n'est pas dans la bio d'Al Capone mais c'est raccord avec le personnage.

Pour le côté esthétique, les extérieurs sont vus la nuit à la lueur des phares, les vitres des cafés volent en éclats et il pleut des pétards comme à Gravelotte. L'intrigue de la reprise de Scarface par Brian de Palma, aidé par Steven Spielberg pour la scène finale, suit les grandes lignes de ce film. Mais à cause du code Hays les détails des assassinats ne sont jamais montrés, contrairement au chef d’œuvre de 1983.

Deux scènes sont devenues des classiques. La visite à l'hôpital, maintes fois répétée par la suite, où les tueurs envoyés par Scarface dissimulent leurs armes sous des bouquets de fleurs pour achever un gangster d'une bande rivale. Et la scène au bowling. où Gaffney (Boris Karloff) se fait descendre par l'équipe de Camonte alors qu'il vient de lancer la boule, mais nous ne voyons pas son assassinat. La caméra nous montre une quille abattue pour un symbole immédiatement compréhensible.

A noter aussi la façon dont Rinaldo, le second de Camonte, joue à lancer et rattraper une pièce qui a été maintes fois copiée par ceux qui veulent jouer au dur, avec une pomme ou une grenade, et pas seulement au cinéma.

La violence de Scarface qui tue pour vendre de la bière pendant la prohibition fait écho à celle de l'Amérique qui provoque des guerres pour s'approprier le pétrole. Mais loin de glorifier le gangster, Howard Hawks et Ben Hecht critiquent la faiblesse d'un Etat qui ne fait rien pour arrêter la violence qui ronge de plus en plus le pays.

Dans cette ville, les mitraillettes font la loi, il y a des guerres de gang dans les rues, les enfants ne sont plus en sécurité quand ils vont à l'école, vous voulez que ça continue ?...Puisque ces gens ne sont pas nés dans notre pays, votez des lois pour l'expulsion et le tour sera joué. Il faut mettre tous ces gens dehors.

La chute de Scarface, est ainsi plus provoquée par sa propre mégalomanie (voir la pub The world is yours un peu trop regardée de sa fenêtre) que par l'action de la police,

Le film est beaucoup plus court, et beaucoup moins mythique que le film de trois heures de De Palma que je préfère. Le charisme de Paul Muni, bien que remarquable, est plusieurs tons en-dessous de celui d'Al Pacino et de sa composition extraordinaire. Mais Howard Hawks a montré dans ce film qu'il possédait un sens aigu de la mise en scène de la violence et de la cruauté, tout en gardant une distance ironique avec son sujet.

Zolo31
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le 27 mai 2024

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