Scarface, c'est l'histoire d'un petit con. Emblématique des rêves déçus d'une génération, nourris de promesses illusoires d'une liberté fantasmatique, celle du pouvoir et de l'argent faciles. Qu'arrive-t-il à ceux qui, forts d'une attitude en acier trempé, se hissent au somment à coups de pompes sans en avoir les épaules? L'histoire d'un petit con rongé par la mégalomanie, dont l'égocentrisme supplante les scrupules, petit crapaud buffle qui finira par éclater, car y a-t-il une autre issue?
La fable est magistralement portée par une esthétique crue, surexposée, mettant la violence au grand jour, assumée, sans ombre pour se protéger ou cacher sa face la plus noire. Tony Montana est exactement comme son film : nu, entièrement dans la lumière, visible, se montrant, même, s'exposant. Plus de gangster discret qui s'enfuit dans la nuit, de club enfumé noir de chapeaux providentiels, plus de dédale de ruelles sombres et d'ombres portées effrayantes. Le soleil et les néons marquent l'action au fil de plomb, sans voile et sans pudeur. Lumière qui montre, mais aussi qui attire : la fable est aussi celle d'Icare. Couleurs vives, agissant comme des phares, excitant une avidité primaire, couleurs pécuniaires trop crues, trop saturées, miroirs aux alouettes, presque aussi artificielles que celles de l'affiche "Welcome to Los Angeles". Un décor de théâtre. Un piège grossier, bien qu'irrésistible. Plus qu'une histoire, Scarface est bien une fable, une comédie, et c'est son caractère factice criant qui lui permet de faire encore rêver.
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