La Forme de l’Eau a enfin vu la consécration aux oscars de son auteur Guillermo Del Toro ce qui lui permet désormais de jouir d’une assise plus confortable en tant que producteur. Plutôt que de réaliser tous les projets qui lui tiennent à coeur, il est à même de prolonger son univers en ralliant d’autres artisans plus « modeste » de la série B comme le norvégien André Ovredal. Un choix opportun au vu de son précédent effort The Jane Doe Idendity qui nous dispensait de frémissants morceaux de terreur. Un talent pour l’iconisation des chairs putréfiés qui se répercutent ici dans l’étalage de ses créatures difformes ainsi que dans ses choix de mises en scènes si ce n’est que la peur se voit freiné conformément aux attentes du public visé que l’on peut bien faire frissonner mais pas trop non plus. Scary Stories n’est pas un film à sketches comme on pourrait le penser de prime abord, même s’il emprunte son bestiaire et sa dramaturgie aux livres d’histoires d’épouvante du même nom considéré comme une véritable institution outre atlantique, et ce que l’on pourra également associé aux oeuvres de la collection Chair de Poule dont les jeunes comme moi empruntait les exemplaires à la bibliothèque de l’école. Cela tombe bien, puisque les créatures qui y sont dépeintes cherchent avant tout à se repaître de l’innocence d’une jeune génération confronté aux horreurs de la réalité, celles de la Guerre du Vietnam qui sert de toile de fond au récit. Si certains souhaitent s’engager comme le benêt sportif du lycée qui terrorise les jeunes dans son quartier, d’autres préfèrent s’en éloigner comme Ramon le représentant de la minorité ethnique dans une production marqué par le sceau des sixties et donc pas épargné par la ségrégation.


Le groupe de jeunes forment ainsi cet héritage opportuniste emprunt des années 80 (E.T., Les Goonies, Explorers) dont les cinéphiles sont si friands depuis le retour en fanfare de cette New Retro Wave popularisé par la série Stranger Things. Il est donc question du traditionnel rite de passage à l’âge adulte qui n’épargneront aucun des jeunes protagonistes de cette histoire qui auront fait l’erreur de s’aventurer dans un manoir réputé hanté afin de se faire peur le soir du 31 octobre. La découverte d’un bouquin aussi maléfique et ignifugé que le Necronomicon leur révélera leur funeste destin à mesure de son écriture en lettre de sang. Chaque manifestation tournera autour des hantises de ses victimes : un nid d’araignée, un épouvantail martyrisé qui souhaite se venger, une pâle lady à l’appétit insatiable, un cadavre ambulant à la recherche de son gros doigt de pied, et un corps protéiforme qui adore se contorsionner à travers des barreaux de prison. Chacune de ces séquences donnent lieux à de véritable cauchemar dont il est impossible de s’échapper, puisque les dédales et couloirs ne semblent que se rallonger sous l’effet de l’objectif conduisant à une peur de l’inéluctabilité de la mort plus que de l’acte lui-même, qui hormis celui du revenant tapis sous le lit n’aura jamais l’effet escompté. Cette association entre les phobies et leur surgissement dans le réel c’était d’ailleurs le sujet de It qui disposait d’avantage de profondeur thématique et de ressorts horrifiques à défauts de posséder cette galerie de monstres si cher au producteur. Car comme toujours chez ce dernier, les véritables monstres, ce sont les hommes et si la vieille harpie est si méchante avec ces adolescents c’est surtout parce que son âme est en détresse, première victime d’un complot qui l’ont réduite à l’enfermement. La conclusion sur fond de pardon rend soudainement la mécanique de prédation caduc et donc moins jouissive. Pas de quoi souiller son lit la nuit donc, puisque comme souvent c’est dans ce classicisme issue de la veine tradition des contes que se situe la limite des œuvres de Del Toro.


Tu veux ta dose de frissons et d’adrénaline pour Halloween ? Rends-toi sur l’Écran Barge où tu trouveras des critiques de films réellement horrifiques, situés à mi-chemin entre le fantasme et le cauchemar.

Le-Roy-du-Bis
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le 28 févr. 2024

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