Un film d'animation franco-indien réalisé sous Unreal Engine ? Intrigant. Dommage que le résultat à l'écran soit un tel naufrage. L'idée d'utiliser un moteur de jeu vidéo à la puissance démontrée est intéressante mais le rendu est vraiment très inégal, d'autant que la direction artistique est trop hétérogène : certains objets sont photoréalistes là où les personnages ont des modélisations et des textures dignes de jeux PS2-3 (on a cité à juste titre Bordelands... le 1er du nom). L'animation est parfois souffreteuse, surtout dans les scènes de foule où les patterns sont répliqués simultanément à plusieurs personnages. Pire : il persiste des bugs à l'écran (déformations, disparitions) voire un peu de lag dans les déplacements, certes peu présents mais ça chatouille l'œil quand on les voit.
Pourtant, certains éléments sont sympas dans l'approche visuelle du film : l'idée des sacs en papier sur la tête m'a bien plu (avec toute la culture de représentations en peinture ou en statue associées), le bus, la statue de Kontaka, les petites séquences de propagande en dessin animé... Mais c'est vraiment noyé dans un bordel graphique incohérent et parfois immonde.
Et ce n'est pas le récit qui rattrape ces loupés, tant celui-ci est encore plus en vrac que le reste. Schirkoa ressemble à un cadavre exquis où 25 réalisateurs se seraient succédé sans que personne se parle, chacun développant ce qui lui passe par la tête. Résultat, l'univers est incompréhensible, avec des enjeux grossiers et jamais développés. Des scènes cessent en cours de route sans comprendre leur intérêt, ça commence à chanter et ça s'arrête, on a l'impression qu'il manque des transitions, les dialogues sont poético-philosophico-ampoulés (la présence d'Asia Argento fait un pont avec Alien Crystal Palace) avec une appétence évidente du film pour le psychédélisme (et l'effet émétogène des produits hallucinatoires, c'est cohérent en fait)...
Là encore, y'a des trucs sympas (le conseil des Intelligences, la leçon de suicide, les centaures morts sur les toits) mais c'est au sein d'un pur chaos dont on ne sait pas trop de quoi il veut nous parler, si ce n'est d'une quête du divin et d'une morale ambiguë sur la répression préférable à la liberté (c'est pour plaire à Modi ?). Ce qui confirme d'ailleurs Ishan Shukla dans une interview à Chaos Reign.
Pour citer la sirène Argento du film, Schirkoa est une sorte d'éjaculation cosmique qui montre que l'Art a parfois besoin d'être un peu accompagné pour produire une œuvre capable d'entrer en connexion avec un public. En l'état, c'est une catastrophe, certes enthousiaste, qui aura le mérite de ne pas être oubliée de sitôt parmi les rescapés de la séance ciné.