Scipion l'Africain est un héros de l'Antiquité, l'un des hommes illustres de Plutarque. Pour le chrétien Pétrarque, le vainqueur de Zama combine les vertus stoïciennes et les qualités chrétiennes. Dans les années 30, il devient une figure du patriotisme Italien dans un film de propagande fasciste.
Dans ce film, peu de place à la nuance. Hannibal, son adversaire est borgne et cruel. Avec lui, ce n'est vraiment pas une armée mais une bande de mercenaires qui pensent surtout à l'argent. À l'inverse des Romains, ces 'barbares' puniques sont souvent filmés comme des hommes avides et concupiscents. Le film participe à cette époque à la construction d'un ordre moral fasciste, tout en respectant les valeurs catholiques (l'Église est toujours influente).
Le défaut du film réside dans le traitement des personnages secondaires. Les petites histoires (plus ou moins inventées) sont mal raccordées à la grande Histoire. Les séquences s'enchaînent assez artificiellement. L'ensemble sert de manière maladroite à promouvoir l'idéologie fasciste (famille, figure paternelle, fidélité conjugale, virilité, patriotisme, antiparlementarisme ...).
Malgré tout, il faut reconnaître les qualités cinématographiques de ce film (dans lequel la propagande peut nous paraître plus que douteuse). Carmine Gallone n'est pas un excellent réalisateur, mais il se montre inventif et soigné dans sa mise en scène :
- travelling pour éviter une mise en scène trop statique.
- utilisation révolutionnaire du zoom optique lors de scènes de foule.
- inspiration du cinéma muet pour certaines scènes (notamment celles avec la reine Sophonisbe).
- séquence finale avec beaucoup de figurants (une bataille spectaculaire, quoique un peu confuse par moment).
Un film doit être replacé dans son contexte politique, mais aussi cinématographique. Carmine Gallone a sans doute été influencé par le cinéma soviétique (le célèbre Eisenstein, ...) et le cinéma américain (dont le sous-estimé Cecil B. DeMille).