Un chef-d'oeuvre pour certains...un peu trop WTF pour d'autres...
Tiré des comics éponymes de Bryan Lee O'Malley, qui ont acquis au fil des années le statut de monument de la culture geek, Scott Pilgrim VS The World, sorti en décembre 2010 représente un parti audacieux : transcrire ces comics du mieux possible, tant scénaristiquement que graphiquement parlant, chose loin d'être facile vu le style de O'Malley. Sous la houlette de Edgar Wright, génie de la réalisation déjà responsable plus tôt dans sa carrière de Shaun of the Dead et de Hot Fuzz, voyons et analysons ensemble si ce film tient ses promesses.
Le film nous fait survoler les 6 livres parus entre 2004 et 2010, et nous propose un condensé de l'histoire principale. Le scénario, original au possible, n'est cependant pas dénué de sens. Derrière ces excentricités se cache une métaphore des plus intéressante sur les problèmes amoureux que peuvent, et que rencontrent en général les jeunes : rompre, vivre une rupture...etc. Cependant, le fait que ça soit traité de manière non-réaliste, notamment de par cet aspect « comic » que l'on retrouve formidablement bien le film; ou encore le fait que le film soit principalement humoristique, fait que au final, le scénario n'a pas de coté « film à l'eau de rose pour ados » que personnellement je hais. Et c'est pour moi ce qui fait la force de ce scénario : on prend les mêmes bases pour arriver à un truc totalement différent de ce qui se fait d'habitude. Différent, mais néanmoins excellent. Les messages transmis par ce film sont brillants, et sont vraiment très justes, car, de fait, malgré tout, on se retrouve assez bien dans les personnages, tout du moins, sur les situations qu'ils vivent, tous. Sans se prendre réellement au sérieux, Scott Pilgrim arrive à nous transmettre quelque chose, quelque chose de neuf, et ça, c'est réellement ce qui fait la force de ce long-métrage.
Le film a réellement été pensé pour coller au mieux à l’œuvre originale et au style d'O'Malley. Ainsi, de nombreux éléments caractéristiques des comics ont été repris, faisant parfois la référence à d'autres comics, voire même aux mangas. Les combats très cartoonisés en sont un excellent exemple. Ici, on retrouve encore une fois un mélange de réel et d'irréel : voir un jeune homme gringalet, comme l'est Michael Cera, l'acteur jouant Scott dans le film, exploser la gueule à des mecs qui font deux têtes de plus que lui ou qui ont des super-pouvoirs (voire même parfois les deux) peut avoir quelque chose de déroutant, comme le concept de combats à mort d'ailleurs. Cependant, dans le film, on ne peut vraiment dire que ça choque vraiment. Et je pense que l'aspect graphique du film participe grandement au fait que ce l'on ne soit, au final, pas dérangé par ce manque de réalisme. En effet, le fait que l'on reste toujours dans cette même ambiance « comics » permet, même si cette ambiance est plus présente dans les combats, une certaine cohérence durant tout le film, chose plus qu'appréciable.
Mais les comics ne sont pas la seule source d'influence (notamment graphique) que l'on retrouve : la culture vidéoludique est également très présente. En effet, j'irais même jusqu'à dire que ce film est une sorte d'étendard à tout ce qui fait cette culture. On va même jusqu'à retrouver une musique de l'OST de The Legend of Zelda dans la BO du film (je ne vous dirais pas quelle musique on retrouve, mais vous verrez, elle est parfaitement bien utilisée, héhé, et pour peu que vous ayez joués au jeu en question, la scène vous fera forcément rire). Franchement, et je ne vais pas le nier, ça fait plaisir de voir un film qui traite aussi bien une culture qui est très souvent marginalisée par l'industrie cinématographique et les autres médiums en général. En plus, les références en question sont bien fichues, et apportent, pour certaines, de très bonnes idées au niveau scénaristique, mais sont également assez généralistes pour que la majorité des personnes les comprennent (sauf si vous êtes une grand-mère habitant la Corrèze). Sans être foncièrement universel, Scott Pilgrim VS The World reste néanmoins compréhensible par tout le monde, et qui, pour moi, est un excellent point. Appréciables par tout le monde ? Non, pour moi, le film s'adresse réellement à une tranche d'âge : les pré-adultes, notamment au niveau du scénario, qui ne risque pas d'avoir grand intérêt pour une personne du troisième âge habitant un certain département de la France profonde, voire pour un homme marié habitant un luxueux pavillon et jouant au golf le dimanche. Et j'ai envie de dire, les références geek sont encore une autre preuve de cette focalisation sur un public précis. De fait, si vous n'êtes pas dans la tranche d'âge visée par le film, j'ai le regret de vous annoncer que vous allez avoir du mal à l'apprécier. Je ne dis pas que c'est impossible, juste que ça sera très compliqué. C'est un choix. Peut être rendre ce film un peu moins focalisé n'aurait pas fait de mal.
J'aimerais parler plus en profondeur de la BO, très importante dans un film dont le personnage principal fait partie d'un groupe, les Sex Bob-Omb (notez la référence à Super Mario). Tout d'abord, on note la présence du musicien Beck sur plusieurs des morceaux originaux du films dont celle du générique de début. En général, ce dont on peut dire de cette BO est très simple : elle colle parfaitement au film. On retrouve un rock très destroy qui est en accord avec les lieux arpentés par les personnage, des scènes plutôt underground de par le fait que le groupe ne soit pas connu. En plus de Beck, et de Nigel Godrich (le compositeur général du film) sur les morceaux originaux, plusieurs autres artistes sont présents dans cette BO, comme T-Rex avec Teenage Love ou Metric avec Black Sheep. Sans être exceptionnelle, la BO de Scott Pilgrim n'en reste pas moins très bonne. Dommage par contre que l'on ait pas de vrai thème qui reste. Certes, la musique d'intro a parfois été réutilisée (cc une vidéo de Norman dont j'ai oublié le nom) mais rien de très marquant en soit. Est-ce un véritable problème ?
J'ai envie de dire que le film est vraiment à l'image de ce qu'est le comic : on est sur des partis pris. Beaucoup de tout. Beaucoup de geekeries, parfois bien utilisées comme je l'ai dit, mais aussi parfois mise là on ne sait pourquoi, ce qui reste minoritaire, m'enfin, on ne peut le nier, ça reste un peu du fan-service pour geeks, mais aussi beaucoup de références au comics, à vouloir garder cette ambiance durant tout le film, peut être que le réalisateur en a un peu trop fait. Scénaristiquement très visé, pour moi Scott Pilgrim n'est critiquable que sur des goûts purs. Des choses indiscutables, propre à la personne. C'est en effet le revers de la médaille de faire dans le non-universel : les différences divisent comme j'ai envie de dire. Tout dépendra de vous en fait. Si vous avez aimé le comic, il y a de très, très, très grandes chances que vous adoreriez le film, car l'adaptation est juste parfaite, que ça soit au niveau du casting, du jeu d'acteur (Michael Cera parfait dans ce rôle, Mary Elizabeth Winstead en Ramona Flowers également), avec un peu d'inédit... Certes, le scénario est beaucoup moins travaillé que sur les 6 tomes, mais bon, en un film, je pense qu'il en a réellement bien fait le tour. Si vous n'avez pas aimé le comic, vous ne serez pas surpris de savoir qu'il y a très peu de chances pour vous d'aimer ce film. Et enfin, si vous n'avez pas lu le comic, et bien vous pouvez tenter votre chance (surtout que le DVD ne doit plus être trop cher maintenant). Aller, si vous êtes un peu geek, et aux alentours de 20 ans (un peu plus ou un peu moins), je suis sur que vous allez être fan. C'est juste dommage d'être obligé de remplir ces critères pour l'aimer quoi. Et c'est pour moi ce qui empêche ce film de devenir un classique, malheureusement et en dépit de ses nombreuses qualités...vraiment dommage...
- Shikamarrant
