Mille acres et Lear au milieu.
Avertissement préalable : malgré toute la bonne volonté que j'ai à regarder des films, je me suis endormi sur celui-là. La note est donc une note neutre (5), en attendant éventuellement que je le revoie (j'en doute cependant).
Larry Cook (Jason Robards), riche fermier de l'Iowa a passé sa vie à bâtir un petit empire agricole. Le noyau familial s'est intégralement constitué autour de ce lieu, et ses trois filles (Ginny — Jessica Lange, Rose — Michelle Pfeiffer, et Caroline — Jennifer Jason Leigh) et leurs maris habitent dans les dépendances ou à proximité.
Vieux et fatigué (mais aussi pour des raisons de facilités légales), il décide de léguer ses terres à ses filles. Si les deux premières acceptent avec enthousiasme, Caroline, avocate et pourtant de loin la plus proche de son père, émet des doutes. La réponse est sans appel : Larry chasse et bannit du jour au lendemain Caroline de la cellule...
Parallèlement Jess (Colin Firth), bel enfant prodigue de la région parti étudier l'agriculture biologique revient et semble attirer plus d'une femme aux alentours...
Au fil du temps, on s'aperçoit que Caroline a de très bonnes raisons pour ainsi avoir tenu tête (à regret) à son père, et la vérité de ce renoncement, qui finalement concernera une autre de ses sœurs, est toute autre...
Adapté de la nouvelle éponyme de Jane Smiley (qui a reçu le prix Pullitzer), A thousand acres (titre original), est une histoire sur la succession et les déchirements, les secrets oubliés ou vécus au quotidien (d'où titre français). C'est d'ailleurs une réécriture du Roi Lear, de Shakespeare : un roi, trois héritiers, un empire. Et ce qui va avec.
Casting impressionnant clés en main (Pfeiffer, Lange, Jason Leigh pour les trois Grâces ; Keith Carradine pour un des deux maris, Colin Firth comme prince charmant), la réalisatrice australienne Jocelyn Moorhouse dépeint avec peine le charme respectable et les enjeux de la vie familiale dans la campagne moderne et « pas trop pauvre » dirons-nous.
En revanche, elle s'intéresse de près (et n'ayant pas lu la nouvelle c'est sans doute ce qui l'honore) aux sentiments et aux relations complexes entre les entités-personnages du film, qui représentent un peu à eux tous les différentes figures mythologiques d'un mélodrame (avec l'endroit rêvé pour tenter de le concrétiser).
Hélas, on se rend compte bien vite que là où un personnage de mélodrame est confronté à l'évènement qui tombe comme un couperet et pris comme un pion dans un jeu d'échecs ; ici l'enjeu pour les personnages est de devenir soi-même maître de son pion, et de maintenir une pression suffisante par le dévoilement, la rétention de sentiments ou d'informations, et par la confrontation. Les acteurs piétinent et s'embourbent, rendant les personnages difficilement sympathiques (Michelle Pfeiffer elle-même, pourtant productrice du film, s'avouera déçue par sa performance dans le film).
Les amateurs de théâtre pourront certainement se satisfaire de cette succession de dialogues dans un beau décor qui font avancer les parcours et les statuts, qui équilibrent ou déséquilibrent à l'envi les savantes alchimies du rapport à l'autre, qu'il soit sœur, père, beau-frère ou amant.
Il est très difficile hélas en adaptation de respecter au mieux l'intention d'un livre, mais on peut le poser intelligemment, et concrétiser ne serait-ce que le contexte (en théorie ici magnifique et propice au genre), mais aussi chercher parfois à épurer et, plutôt que de recopier à la lettre une discussion qui n'apporte pas vraiment grand chose, laisser la place même dans le conflit le plus violent à l'instant de silence, ou au moment de partage. Ce que je n'ai pas vu.
M'étant endormi je ne peux en dire que ce que j'ai vu et (entr)aperçu... Voilà voilà...