Remarqué il y a un peu plus d’un an avec Bone tomahawk (western rêche croisé au film de cannibales), S. Craig Zahler continue tranquillement sa relecture des genres en se frottant cette fois à celui des prisons. Et si le genre a changé, ses films gardent en commun une seule et même construction et, à l’instar de Bone tomahawk, Zahler prend (trop) son temps à installer personnages et enjeux, les mises en place des deux films étant clairement leur point faible. Puis le récit s’enclenche enfin (départ en terres inconnues dans Bone tomahawk, passage par la case prison ici), puis ça s’emballe, puis ça saigne, puis ça devient carrément gore jusqu’à un final sans concession. Cut, noir, rideau, vivement le prochain (Dragged across concrete avec Mel Gibson et toujours Vince Vaughn).


Si donc les quarante cinq premières minutes de Brawl in cell block 99 (qui en fait cent trente) augurent d’une franche catastrophe (dialogues creux, jeu approximatif, platitude du scénario, filtres bleus épouvantables…), Zahler se ressaisit soudain et passe aux choses sérieuses une fois son antihéros, ex boxeur, futur papa et mécano au chômage revenu au trafic de drogue, expédié derrière les barreaux. Élaborant une sorte de graduation dans la brutalité des scènes (avec un dernier quart d’heure en mode boucherie), l’horreur des situations et l’esthétique de son film (de prison trois étoiles à antichambre de l’Enfer), Zahler réorchestre les codes et figures du film de prison en les détournant, voire les pervertissant (la prison haute sécurité avec son look médiéval, coursives et tunnels étroits, grosses pierres apparentes, chambre de tortures…), pour sans cesse nous surprendre et nous tenir sous tension.


Mais le vrai plus, la cerise sur le gâteau, c’est que Zahler ne se prend jamais au sérieux (qu’on se souvienne de Brimstone), et son film brille d’une nonchalance magnifique, d’une ironie cool et même d’un burlesque noir, renforcés par le jeu de Vaughn qui semble toujours à la limite du "Mais qu’est-ce que je fous ici ?" et de l’acteur qui prend son pied à incarner un type impassible brisant les os ou explosant les têtes. Les seconds rôles ne sont pas en reste avec Udo Kier et Don Johnson, savoureux en homme de main placide et directeur de prison sadique. Zahler creuse son sillon l’air de rien, sans loi ni personne, décontracté, et s’affirme comme futur (grand ?) réalisateur badass maniant à merveille l’hémoglobine et le style, quelque part entre Tarantino, Carpenter et Peckinpah, le culte en moins.


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mymp
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le 8 janv. 2018

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