Adaptation du roman des Cliques et des Cloaques de Jim Thompson, paru dans la collection de polar Série Noire qui donne son titre au film, on ne peut s’empêcher de penser aux Idées Noires de Franquin paru deux ans plus tôt tant le désespoir y est similairement prégnant, le cynisme prépondérant, et la violence latente.
Série Noire c’est l’histoire de Franck Poupart, interprété par l’inénarrable Patrick Dewaere, un antihéros couard qui se voudrait brave, plongé dans une spirale de mythomanie qu’il s’inflige autant qu’à ceux qui croisent son sombre chemin. Une grande gueule qui se gonfle telle une baudruche et finit par éclater, expulsant son intérieur sordide sur tout ce qu’il touche. Un tout qui est déjà bien miséreux: des banlieues mornes et des terrains vagues fangeux, des patrons esclavagistes et des marâtres proxénètes, des gamines vénéneuses et des violeurs bas du front. Ce décor déprimant, Poupée l’enrichit par son langage, sa gouaille qui mêle formulations vaines et pitchs flagorneurs, finissant d’ancrer ce marasme grisâtre à l’écran.
Poupart se pose comme une victime de la poisse, mais cette guigne est auto-réalisatrice, l’homme étant un cabot violent, qui a fait du déni de responsabilité une spécialité. Il va de mal en pis de son propre jeu, lui qui a le cœur sur la main, la main dans la poche. C’est le craquage d’un faux joyeux, dont le destin n’a rien de surprenant, et dont le parallèle avec l’histoire de son acteur est tristement trop proche.
Corneau livre un film malsain et maîtrisé, une œuvre profondément dépressive mais ô combien marquante. Une plongée dans un enfer noir dont le spectateur peine à ressortir indemne. Un récit amoral sans échappatoire dans lequel il vaut mieux s’engouffrer avec de bonnes dispositions.