"I just wanna go some place where I can do my job !"
Serpico est le 5e film de mon marathon Lumet. Sorti en 1974, un peu avant Un Après-Midi de Chien, le film appuie là où ça fait mal, et comporte de nombreux thèmes chers à Lumet, comme la corruption, évoquée plus tard dans Le Prince de New York, l'homme livré à lui-même (Douze hommes en Colère et Un Après-Midi de Chien en sont d'autres exemple) et la lutte pour la tolérance et la justice.
Serpico, c'est l'histoire vraie d'un flic intègre, dans un New-York en crise, qui se voit rejeté et maltraité par ses collègues qui ne comprennent pas qu'il n'accepte pas d'argent. Il va tout mettre en oeuvre pour dénoncer ces abus mais va très vite se rendre compte que personne ne souhaite se mouiller.
Lumet choisit Al Pacino pour jouer le rôle principal, quelques temps avant une deuxième collaboration fructueuse avec Un Après-Midi de Chien. Et c'est là le point fort le plus important du film, car Pacino va livrer une prestation ahurissante, se métamorphosant complètement au fur et à mesure de l'avancée du film. Je suis loin d'avoir vu tous ses film, mais pour le moment, de ce que j'ai vu, c'est très clairement sa prestation la plus impressionnante (même si l'ami PFloyd me demande de modérer mes propos tant que je n'ai pas vu L'impasse). Ce film est une preuve qu'il a été l'un des meilleurs acteurs de l'histoire, il serait temps qu'il se reprenne un peu.
L'autre point fort du film, et on retombe dans les thèmes fétiches de Lumet, c'est l'attention portée au personnage de Frank Serpico. Ce n'est pas un hasard si le titre est éponyme, le sujet principal du film n'est pas la corruption policière, mais bien le combat d'un homme, un combat qui l'amènera à risquer sa vie, devant les malfrats mais également devant les forces de police. En ce sens, Lumet nous montre d'abord un policier réglo, qui semble être le seul à faire son job. Il dénonce plus des hommes qu'un système, l'incapacité des policiers à bien faire leur travail (l'officier qui tire dans le tas sans s'annoncer, risquant même de blesser un collègue), ou la corruption, gangrène des forces de l'ordre.
Car peu importe où Serpico se retrouve muté, pour échapper à ce mal être qu'il ressent devant la corruption ou devant son obligation de défendre ses collègues pourris, on a l'impression que New York est une ville sale, impossible à nettoyé tant les pots de vin sont nombreux.
Et donc Serpico va changer. Il va devenir malasin, violent voir fou par moment. Il ne peut plus résister, il prend beaucoup trop sur lui-même pour rester calme en rentrant, maltraitant ses amours. Un tout nouveau personnage s'offre à nous durant la deuxième partie. On ne retrouve plus le personnage naïf, un peu simple, gentil et bien dans sa peau. Et l'incapacité des hautes sphères à se battre contre la corruption le pousse encore plus loin dans ses retranchements. L'évolution psychologique du personnage est vraiment très intéressante.
A travers son personnage principal Lumet s'en prend donc à la corruption qui ronge la police de l'intérieur. Ainsi on retrouve des réplique fortes : on retiendra le "You couldn't be trusted !" à l'encontre de Serpico, étant donné qu'il n'accepte pas les pots de vin. On lui dit très clairement que l'on ne peut pas se fier à un flic intègre, ce qui finit de détruire l'image du policier parfait qu'avait Serpico.
Serpico, qui par son physique, fera l'objet de moquerie et de fausses idées. Lumet va s'attaquer à des thèmes plus graves, comme l'incompréhension des gens devant l'homosexualité (allusion à la moustache, les toilettes dans le noir...), des fausses idées qui nuisent encore plus à ces hommes, pourris et insolents.
Serpico est un film fort, dénonçant un monde pourri, dans une ville de New York aux allures peu reluisantes. Finalement Frank Serpico aura gagné une médaille, la prendra les larmes aux yeux, sa reconnaissance pour son combat ayant un goût amer, le dorée et la brillance de l'objet résonnant comme une ultime provocation.
Si vous hésitez encore à vous lancer, croyez moi, rien que pour l'activité capillaire impressionnante d'Al Pacino, ça vaut le coup d'oeil ;)