Ne rien savoir (ou presque) d'un film avant sa projection n'est en rien un handicap, voire même une aubaine. Dans le cas de Serre-moi fort, cela se discute car impossible de ne pas patauger pendant un très long moment en se demandant ce qui peut bien relier des scènes qui appartiennent au présent, au passé, au futur, voire surtout au conditionnel. Une fois compris la vérité, le film n'en devient pas limpide pour autant, semblant avoir été conçu comme un puzzle existentiel, de la vie, de la mort et d'autres mondes flottant entre les deux. En gros, Serre-moi fort est le genre de film très cérébral qui est largement plus intelligent que la majorité des spectateurs sans qu'il y ait la moindre trace ludique puisque la tristesse et le deuil y sont dominants. Si le film était linéaire et compréhensible immédiatement, il aurait bien entendu perdu de son originalité et surtout de son opacité mais il aurait véritablement permis de s'intéresser de plus près à cette femme qui fuit et à éprouver ses sentiments sans le filtre imposé par la construction sophistiquée du scénario. Car l'émotion, en définitive, qui est à l'évidence recherchée dans ce mélodrame, comment pourrait-elle venir nous submerger dans ce malström de scènes juxtaposées dans un désordre si savamment organisé ? Tant pis pour Vicky Krieps dont le talent est irréfutable mais condamnée ici à errer dans une sorte de train fantôme.