Refusé par toutes les chaînes de télévision, Seul contre tous, premier long-métrage de Gaspar Noé, aura mis cinq ans à voir le jour, le cinéaste ayant dû financer le film de sa poche. Un sacrifice payant, le film raflant une succession de prix dans de nombreux festivals et gagnant au fil des années le statut d'oeuvre culte.
Suite du moyen-métrage Carne tourné en 1991, Seul contre tous nous plonge à nouveau dans la psyché de son personnage principal, un ancien boucher sortant de prison rongé par la haine et le dégoût du monde qui l'entoure, obsédé par l'amour déviant qu'il porte à sa fille. De tous les plans ou presque, Philippe Nahon impressionne une fois encore dans la peau de cet être abjecte et répugnant, reflet d'une France dégueulasse, raciste et terne, en état de délabrement avancé.
Prisonnier des pensées malades d'un anti-héros détestable, le spectateur ne pourra que ressentir un profond malaise face à un tel étalage de colère et de rage contenue, l'impossibilité de s'échapper rendant l'expérience proprement inconfortable et limite suffocante. Un exercice casse-gueule et constamment sur le fil, que Gaspar Noé parvient à dynamiter par le biais d'une écriture saisissante (le monologue de Nahon contient un certain nombre de "perles"), d'un montage inventif et d'une mise en scène percutante.
Laissant son audience se dépatouiller comme elle peut avec la noirceur et les horreurs qu'il lui jette à la gueule, Gaspar Noé signe une oeuvre choc qui ne laissera personne indifférent, un concentré de déviance qui a toutefois le mérite de taper là où ça fait mal. Une expérience dure et éprouvante, que l'on est tout à fait en droit de rejeter en bloc.