Seul Contre Tous réalise pleinement la volonté installée par Gaspar Noé dans Carne (qui était clairement une note d’intention pour ce long). Un récit sur la haine et la misère qui règne sur les plus basses classes d’une France stérile. Le boucher pense, soliloque, se laisse aller à ses fantasmes, à ses désirs. Mais n’agit pas car les lois, la morale et la justice des puissants l’en empêchent.
M’a marqué cette scène où il planifie un plan de vengeance, qui sort de ses tripes et véhiculé par son sang chaud, tout en baissant les yeux, triste et désemparé. Voilà le funeste sort réservés aux moins fortunés : « Fantasme, mais reste tranquille et ferme ta gueule. » Déchirant.
Des superbes idées de mise en scène, avec des plans sur des brèves de comptoir, presque documentaires, d’une fixité et d’un jeu déconcertants de réalisme, tant ils sont basiques et le jeu hésitant.
Belle utilisation également du format 21:9 avec des plans de rues longues et vides, ou de cette femme qui allonge ses jambes d’un côté à l’autre de l’écran et établit le contact avec le boucher dans un taudis pourtant étroit.
Belle utilisation du son, également, avec une préfiguration d’une catastrophe à venir, par un tir de pistolet qui, finalement, n’arrivera jamais que dans sa tête, dans son imagination.
Le message social est clair, cru, peu appétissant : comme des morceaux de chair chevaline durement tranchés. La voix des misérables est entendue le temps d’un excès de rage mais reste muette : on l’oubliera malheureusement à la sortie du film. Du moins, on n’en fera probablement rien.