Le vrai Amour
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On m'avait dit avant d'aller voir le film : "C'est le nouveau Brokeback Mountain, mais à ce qu'il parait y a plus de scènes de c...". Peut-être inspiré par le précédent film, "God's own country" est bien plus : il est une inspiration en lui-même. Le titre anglais donne le ton de cette inspiration.
Il a bien quelque chose de divin, consacré dans la symbolique des corps. Il y a bien entendu le corps à corps sauvage de Johnny et Gheorghe, symbiose entre force et faiblesse, justesse et excès, douceur et brutalité. Il y a les corps malades, physiquement pour le père, mentalement pour Johnny, des corps à apprivoiser.
C'est que la symbolique du corps colle à celle de l'animalité. Quand Johnny se moque de sauver un agneau semblant condamné dès la naissance, l'ironie du moment est perceptible : Johnny est cet agneau, fragile et tout entier porté dans le présent, car privé d'un avenir certain. Lui qui boit goulûment à la bouteille de lait, prise dans la porte du frigo après ses beuveries nuptiales. Sa seconde peau sera d'ailleurs le pull de Gheorghe, comme un pied de nez à la loi de la sélection naturelle.
Il y a aussi dans le titre le mot de pays, celui du Yorkshire aux paysages éclatants de beauté de ses prairies vallonnées. Ce décor recèle différents mondes entre lesquels on se sent comme un équilibriste au bord de la chute. Celui de la campagne profonde anglaise contre celui des villes universitaires. Et bien que le premier puisse être conservateur, comme en témoigne une scène dans le pub, ils peuvent se réconcilier. L'opposition reste une allusion pertinente au fossé actuel entre campagne et ville, une manifestation de la crise démocratique européenne. Et pourtant, Gheorghe le Roumain et Johnny l'Anglais sont égaux devant les injustices géographiques, par delà les nationalités.
Que ce soit prononcé dans l'anglais de Gheorghe, salué par les parents, ou dans leur patois anglais formidable, le poids des mots est amplifié au vu de la rareté de la communication. Celle-ci est illustrée par le 'tank' (thank's) sec et poignant du père prenant son bain et lavé par son fils, un mot d'amour filial désespéré sorti du corps infantilisé de cet ancien fermier.
"God's own country" maintient aussi la tension entre tradition et modernité. Il est une douce parenthèse visuelle et sonore pour nous, spectateurs pétris sans vergogne par les flots d'images et de sons. Aucun smartphone, pas besoin de téléphone, ironise Johnny. La ferme y retrouve ses lettres de noblesse, en tant que lieu de vie. Mais le clap de fin du film nous montre qu'une page s'est irrémédiablement tournée pour le monde paysan. Johnny et Gheorghe, ces dieux de la ferme, veulent reprendre cet héritage à leur façon. Rien n'est dit, tout est à inventer.
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le 10 janv. 2018
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