Seule sur la plage la nuit est un mélodrame coréen de Hong Sang-soo sorti en 2017. La jeune femme désignée dans le titre est Young-Hee, une jeune actrice perdue dans la débâcle de ses sentiments pour un homme qui n’est jamais décrit que comme « le réalisateur ».
Dès l’ouverture, le principal problème se pose : le réalisateur semble décidé à mener à mal la goya du spectateur. Le film souffre de son manque d’exposition. Au delà même du contenu, la mise en scène du film tient le spectateur à l’écart. On a de nombreux plans-séquences fixes. L’image est froide. Le style est à l’image d’un documentaire, impression renforcée par la quasi absence de musique. Le problème réside dans le fait que cette froideur crée une distance avec les personnages. Le spectateur se trouve dans une position d’entre deux : il n’est pas volontairement impliqué dans l’intimité des personnages, mais il assiste tout de même à leurs conversations personnelles ; il ne leur est pas non plus totalement étranger.
Loin de se dissiper au fil de la première partie, la confusion du spectateur ne peut qu’être renforcée au moment de la jonction avec la seconde. Si esthétiquement, on ne peut reprocher à Sang-soo de bâcler sa transition, c’est dans son contenu que celle-ci déconcerte. La protagoniste se fait enlever et personne ne s’en inquiète, pas même son amie présente alors - dont on entendra d’ailleurs plus parlé ensuite. On retrouve Young Hee en parfait état dans un cinéma à Séoul. Ce qu’il s’est passé entre ces deux plans ? Une ellipse sur un événement potentiellement traumatique ? L’illustration d’une impulsion la poussant à rentrer à Séoul par amour ? La première partie était peut être une envolée surréaliste nous plongeant dans l’intériorité de l’héroïne ? Des questions auxquelles Sang-soo ne répond pas.
L’un des plus importants problèmes est sûrement le caractère même de Young-Hee, héroïne à laquelle il est difficile de s’attacher tant elle semble constamment perdue. Si elle faisait face à une situation inédite, ce genre d’attitude pourrait se comprendre. Mais non, elle semble plus décontenancée face à ses proches dans sa ville natale que dans un pays inconnu. Que dire de l’état du spectateur à ce moment là. La solution pourrait-elle résider dans l’évènement traumatique cloisonnant les deux parties ? Sang-soo ne nous est pas d’une grande aide.
L’entièreté du film repose pourtant sur Kim Min-hee, l’interprète de Young-Hee, à laquelle on ne saurait reprocher son jeu d’actrice, notamment lors de ses deux morceaux de bravoure d’un malaise sans nom lors des deux scènes de dîners. Elle enchaîne colère, rires et pleurs, fait montre d’une grande violence envers ses amis avant de se faire candide ou enjôleuse - à outrance, lorsqu’elle va jusqu’à embrasser Joon-Hee devant les yeux de son mari qui demeure, lui, impassible, sûrement habitué aux sautes d’humeur de Young-Hee, contrairement au spectateur.
Mais alors une lueur d’espoir fait jour. C’est le moment du clou du film : la confrontation tant attendu avec l’amant, « le réalisateur ». Allons-nous enfin comprendre les enjeux du film ? Trouverons-nous une explication à la cyclothymie de Young-Hee ? Comment est-elle passée de l’épaule d’un inconnu sur une plage allemande au siège d’un cinéma coréen ? Le spectateur veut des réponses !
Que Sang-soo ne lui apporte pas. Si l’on ne peut enlever à la scène son intensité émotionnelle, l’apport scénaristique est des plus anti-climatiques. Les deux amants évoquent des regrets, sans que l’on connaisse jamais leur nature. Il est évident que le poids du passé les accable, et les conséquences de ce dernier sont une thématique intéressante, qui plus quand ce passé n’est pas explicitement montré. Mais il serait tout de même préférable de nous en expliquant un minimum les tenants et aboutissants. Sang-soo ne fait que nous narguer avec.
De même, tout au long du film, la figure de l’homme est source de conflit bien que peu présente. Deux apparitions sont particulièrement notables tant elles sont incongrues : l’homme qui la kidnappe sur la plage et l’homme qui lave les fenêtres de l’appart’hôtel. Doit-on y voir une nouvelle envolée surréaliste ? Une projection de Young-Hee symbolisant l’amant absent ? Comprendra-t-on un jour entièrement le film ?
Sang-soo semble signifier un problème dans les relations hommes-femmes : Young-Hee et son réalisateur, Joon-Hee qui préfère l’héroïne à son mari, les nombreuses disputes entre Sun-Hee et Myung-Soo. Le film se voudrait-il un pamphlet sur les vains conflits que les hommes imposent aux femmes ? Pris individuellement, les non-dits du film ne sont pas un problème, c’est leur abondance qui rend le film confus, voire inaccessible.
Young-Hee est seule sur la plage, face aux vagues de ses sentiments. La nuit est sa cécité face à ce qu’elle ressent. A l’insu des intentions du réalisateur, la nuit désigne aussi la confusion du spectateur au film. Ce que la goya n’est pas près de lui pardonner.

spleenetideals
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le 17 juin 2018

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