Peut être que vous n'aimez pas l'histoire? (Vous avez tort, le parcours des personnages est d'une logique implacable et un exemple de maitrise de l'information)
Peut être que vous n'aimez pas la cinématographie? (Vous avez tort, l'image et les décors sont au service de l'intrigue et la complète : noire, sale et noyée sous la pluie)
Peut être que vous n'aimez pas les acteurs ou le réalisateur? (Vous avez tort. Brad Pitt et Morgan Freeman sont au sommet de leurs carrière. David Fincher aux commandes, c'est du bonus)
Par contre... Je ne vous laisserais pas critiquer la mise en scène dans ce film, c'est millimétré avec une précision impressionnante. Je n'ai jusqu'à présent pas trouvé son égal en terme d'intention délivrée par le biais du déplacement des acteurs. C'est ce que je vais développer puisque tout à plus ou moins été dit sur ce film qui a fait couler beaucoup d'encre.
Mais d'abord, un avant propos, la mise en scène, qu'est ce que ça comprend exactement?
C’est l’ensemble de toutes les dispositions relatives à l’action, aux mouvements isolés ou concertés des acteurs, aux incidents qui doivent se produire autour d’eux, aux meubles, objets, accessoires, etc.
- Wikipedia
Là ou ce film est particulièrement bon sur cet aspect, c'est sa capacité à utiliser la mise en scène comme narration visuelle. Je vais commencer par un exemple qui parait anodin mais que je crois très parlant. Somerset et Mills marchent dans la rue avant même le premier crime. Ils ont une dispute, Mills veut être pris au sérieux tandis que Somerset campe sur sa position et considère Mills comme inexpérimenté. Tandis qu'ils avancent le long du trottoir, ils croisent nombre d'étals de hot dogs ainsi que de passants. La beauté de la mise en scène dans cette scène est dans l'interaction des acteurs principaux avec ces obstacles. Lorsque Somerset a le dessus sur la discussion, il avance sans problèmes tandis que Mills est gêné par les passants et maintenu derrière son collègue. Alors que la domination dans le dialogue change, Mills prends le dessus et la situation s'inverse, c'est à son tour de pouvoir avancer librement, il dépasse Somerset qui est ralenti en croisant un étal ce qui symbolise que le jeune domine maintenant la scène. La narration visuelle soutient ici le dialogue en donnant la domination à l'écran successivement aux différents personnages.
Se7en utilise aussi les objets de façon intelligente. Le meurtre de la luxure par exemple, on ne voit même pas le corps de la victime. Mais en nous montrant l'objet du crime et avec le témoignage de l'homme en peignoir complètement traumatisé, on imagine aisément non seulement comment est le corps mais également le meurtre lui même. En comparaison, la Gourmandise est très impressionnant mais Fincher doit recourir de façon moins élégante à un monologue d'exposition pour nous donner toutes les informations nécessaires. La fouille de l'appartement de John Doe est également l'occasion de mettre un accent sur l'utilisation des objets dans le scénario. Ce ne sont pas seulement le décor et la croix au mur qui font de cet appartement un repaire effrayant. C'est aussi les carnets remplis de pattes de mouche qui laissent entrevoir la folie de l'homme qui les a écrit. C'est aussi les photos suspendues qu'on aperçoit et qui annoncent la suite de l'intrigue
Le placement et l'angle de la caméra est également très important pour démontrer la relation entre les personnages. L'analyse de la scène dans le bureau après le premier crime a été brillamment analysé par l'essayiste Tony Zhou dans cette vidéo et je vous y renvoie. La méthode de prise d'image est également instrumentalisé, dans la scène finale, John Doe est filmé en plan fixe à l'aide d'un tripode, il est calme, il a le pouvoir dans la scène. A l'inverse, les détectives qui sont déstabilisés sont filmés en caméra portée, l'instabilité du cadre reflète leur propre instabilité.
En bref, Seven est un film génial à voir absolument. Ne pas hésiter une seconde.