Malgré les années, la légende et l'aura, la réputation de se7en demeure. Et les rediffusions, les tentatives d'analyse sont incapables d'entamer ce que David Fincher a désormais figé dans le marbre de nos souvenirs cinéphiles. Car finalement, dans Se7en, il y a déjà tout du style, des images et de la patte de son réalisateur. Tout y est posé : sa rigueur et son intransigeance devenues légendaires, ses cadres finement ciselés, sa caméra virtuose. Sans les affèteries que certains bonnets de nuit lui reprocheront par la suite. C'était il y a plus de vingt ans que Fincher fondait son univers.
Revoir le film aujourd'hui ma rafraîchi quelque peu le mémoire. Certes, je me souvenais parfaitement de ce générique archi stylisé, souvent imité, jamais égalé, de certaines scènes chocs de découverte des meurtres liés à la gourmandise et à la paresse. De ce sursaut, aussi, quand ce presque cadavre s'anime sur son lit de douleur. Et bien sûr, de cette fin incroyable et au radicalisme qui ne serait plus possible de nos jours.
Ce dont je me souvenais moins, c'est de ce duo d'enquêteurs finalement mal assorti. De cette opposition entre un Somerset au bout de sa propre route, blasé, cultivé. Qui intellectualise son approche des dossiers qui lui sont confiés. Face à Mills, le jeune loup aux dents longues, qui s'impatiente, qui trépigne. Pas une bête de bureau, plutôt un drogué du terrain guidé par ses émotions contraires qui brûlent ses forces et son discernement.
Ces deux là évoluent comme sous un déluge biblique, qui échoue pourtant à laver les péchés de cette ville sale, grise et crépusculaire. Ils évoluent au sein d'une photographie aux noirs profonds, qui fait se détacher les ombres derrière lesquelles il courent. Au sein de scènes de crime, aussi, à l'atmosphère glauque et malsaine, territoire d'un mal mis en scène de manière tout aussi méticuleuse que religieuse.
Mais la plus grande réussite de Se7en, c'est certainement d'imposer et de rendre évidente une présence, celle de son tueur, grand absent de plus de la moitié du film, comme un certain Kaizer dont on entretient la légende. Il réussit à dessiner sa folie meurtrière par la cruauté de ses actes sanglants et d'une torture qui n'est, finalement, toujours montrée qu'à demi-mots. Par un cadavre plongé dans l'ombre de la scène du crime, que l'on devine plus qu'on ne le voit réellement, par l'exposition de photos, ou l'illustration de obsessions macabres de leur auteur. Celui-ci restera anonyme pendant l'intégralité du film, à l'image d'un mal indistinct et universel. Et c'est après avoir installé une atmosphère malsaine et dépressive, après avoir mis un visage sur sa figure maléfique, que David Fincher met en place la tension qu'il portera pendant toute la dernière partie du film dans un crescendo étouffant. Dans un huis-clos d'abord dans l'habitacle d'une voiture, puis à ciel ouvert, ultime scène baignée d'une lumière chaude et aveuglante.
Au delà de la révélation du contenu de son colis, c'est Doe qui s'affirme comme le maître du jeu qu'il a finalement toujours été, même s'il se cachait dans l'ombre de l'enquête des deux inspecteurs. Et comme le serpent biblique, il siffle aux oreilles de Mills, le manipule, instillant et entretenant la rage, pour mieux faire de lui l'instrument de son obscure mission. Et alors que le générique de fin défile, comme la première fois, on reste scotché. Se7en, encore une fois, a déjoué mes maladroites tentatives d'analyse sens critiquienne.
J'abandonne...
Behind_the_Mask, en plein péché de paresse intellectuelle.