Se7en est peut-être avant toute chose une sacré convergence de talents autour d'une même idée. Le scénario de Andrew Kevin Walker, s'il évacue rapidement toute idée de vraisemblance dans le plan de John Doe qui décidément se repose beaucoup sur l'idée que les indices cachés qu'il laisse seront découverts au bon moment par les bonnes personnes, propose une réflexion sur le mal qui s'infiltre fatalement parmi les individus et la manière d'y répondre (Mills cherche la justice car il a toute sa vie devant lui à protéger, tandis que Somerset est bien plus pragmatique, sa vie semblant déjà derrière lui depuis longtemps) qui fascinera les plus exigeants d'entre nous par ses sous-textes bibliques (le diable, bien sûr, et puis Adam et Eve tombés du jardin d'Eden pour vivre dans un endroit dont on parle dans le film de manière toujours très vague comme pour étendre la ville où il pleut toujours à toute la surface de la Terre, "ici", "cet endroit", etc.).
Se7en, c'est également la superbe photographie de Darius Khondji et ses lumières suintantes, ternes et poisseuses qui avaient déjà fait leur effet chez Jeunet, et bien magnifiés par les décors d'Arthur Max, qui par la suite aura donné vie aux lieux des films de Ridley Scott principalement, ses films historiques (Gladiator, Kingdom of Heaven), ou pour trouver un film qui se rapprocherait plus de celui dont il est question ici, Prometheus et son production design irréprochable. Pour compléter la liste, Howard Shore (trilogie Seigneur des Anneaux) vient magnifier le film de sa musique, Kyle Cooper nous offre un générique exceptionnel (et qu'il réitérera avec le générique d'American Horror Story, la ressemblance est frappante), et bien sûr les acteurs Morgan Freeman et Brad Pitt, performance honorable pour l'un, et démonstration de tout son talent pour l'autre.
Reste donc David Fincher, tête pensante de tout ce petit monde. Si ses travaux comme réalisateurs de clips et de publicités peuvent être écartés en tant que travail d'auteur, et que Alien 3, toujours renié par le réalisateur, ne peut de ce fait être considéré comme faisant partie de son oeuvre, Se7en en devient logiquement son premier film. Et force est de constater que si les premiers éléments inséparables de Fincher sont bien là (le rapport au mal, la déviance, le montage chirurgical, les travellings qui se collent aux personnages...), tout ça n'est ici qu'à l'état d'embryon de style, appelé à arriver pleinement à maturité avec Zodiac, douze ans et quatre films plus tard.
Sur la forme, bien que l'on s'aperçoive a posteriori des tics du réalisateur, on se rend vite compte qu'ils ne sont pour l'instant qu'intuitions, et on aura bien du mal à trouver dans la mise en scène de ce Se7en que les scènes de grandes salles de bureau sont mieux structurées que celles de Zodiac, que la scène de poursuite un peu convenue a quoi que ce soit à voir avec le style qui arrivera avec la suite de la filmographie de l'américain, ou que les détails glissés subrepticement par le montage ne sont finalement pas des jump-scares plutôt que de la véritable caractérisation de personnages. Restent le rapport à la méticulosité des procédures comme manifestation du fil de pensée de celui qui est en réflexion (ici on observe les photos des scènes de crime comme on observera les lettres du Zodiac) ou comme comparaison avec la méticulosité des tueurs (Mindhunter), et les différentes scènes de dialogues à trois, où les valeurs de plan et le montage nous donnent à voir tout le jeu de domination qui s'installe entre les protagonistes.
Là où Se7en peut être le plus considéré comme une formule vouée à être améliorée, c'est dans le sujet le plus présent dans la filmographie de Fincher : le rapport du spectateur au mal, et la fascination qu'il exerce sur lui. À ce niveau, ce premier film oublie l'élément fondamental à la mise en place de cette thématique en ne proposant au spectateur aucun miroir de lui-même. Chez les personnages du film, aucune fascination pour le tueur, laissant donc le spectateur seul charmé par les atrocités de John Doe. De ce fait, le film ne propose pas à son spectateur le recul nécessaire pour faire de l'expérience qu'il propose une réflexion pertinente permettant d'évoluer suite à son visionnage, plutôt qu'une simple fascination morbide. Mais après tout, il s'agit sans doute d'une première étape plus que logique pour arriver à la suite que l'on connait, et jusqu'à Gone Girl où, pour le coup, le miroir est total.