À la fin des années 1990 un genre réapparait aux États-Unis, qui dès le milieu des années 1980, et les chef-d ‘œuvres de John Hughes qui mît la barre beaucoup trop haute, avait disparu : Le Teen Movie. C’est ‘’American Pie’’ de Paul (et Chris) Weitz qui relance cette mode avec succès. Au point que l’influence du film (qui connaîtra trois suites corrects, et des spin-off tous pourris) eu impact au-delà même des frontières américaines.
En France nous fument pour exemple gratinés du pitoyable ‘’Sexy Boys’’ en 2001. Une comédie pour ados complètement potache, sans grand intérêt. Le phénomène gagnât également la péninsule du Matin Calme, et en 2003 fût diffusé sur les écrans ‘’Saekjeuk Shigong’’, qui ne connut pas une grande diffusion à l’international, mais rencontra cependant un certain grand succès dans son pays d’origine.
Si potache cette comédie made in Yoon Je-Kyun l’est assurément, elle en dépasse pourtant le terme, pour amener le film dans des sphères plus éloignées. Puisque le moins que l’on puisse dire c’est que ça va loin, très loin. Ne possédant pas la dimension puritaine du cinéma hollywoodien, qui s’il frise sans cesse les bords de l’incorrect, ne s’y plonge jamais totalement, ou avec parcimonie, en Corée du Sud les bords de l’incorrect ils les défoncent.
À côté les aventures des personnages dans ‘’American Pie’’ apparaissent terriblement politiquement correct. Comparé à ce qu’il se passe dans ‘’Saekjeuk Shigong’’, la séquence de Jim et la tarte à côté c’est du Disney. Ne s’épargnant pas une certaine part de vulgarité, qui est tout de même parfois un peu gênante et alourdi le propos, cette petite comédie parvient tout de même à s’élever de temps à autre vers une dramaturgie totalement inattendue.
Le récit prend place à l’université de Sunjong, et suit le quotidien d’une bande d’abrut… d’étudiant en droit, obnubilés par une seule chose : le sexe. C’est bien simple, tout tourne autour de cette simple idée. Les enjeux présentés au début du métrage ont tous comme dénominateur commun le sexe. Et si c’est abordé avec une légèreté, dénué de toute honte, c’est parfois traité, paradoxalement, avec un certain sérieux.
Particulièrement assumé, le métrage nous présente des étudiants, jeunes et moins jeunes, puisque Eun-shik, le personnage principal, a tout de même 28 ans. Cela laisse sous-entendre que ‘’Saekjeuk Shigong’’ n’est pas un film seulement destiné à un public ado. Bien qu’il reprenne tous les codes du Teen Movie, il se présente plutôt comme une œuvre analytique des mœurs de la jeunesse coréenne des 20 à 30 ans.
Eun-shik, entreprend après son service militaire de se lancer dans des études de droit. Bien plus âgés que ses camarades de chambrée, il s’avère cependant tout aussi immature, voir même parfois pire qu’eux. S’adaptant parfaitement bien au cadre universitaire et au campus, il tombe sous le charme d’une jeune étudiante, Eun-hyo, qui le trouve paradoxalement trop immature. Naît toutefois une relation entre les deux.
Au-delà de sa nature de comédie débile (et elle l’est !) et d’un grand nombre de situations gênantes (elles le sont !), vulgaire voir gratuit, ‘’Saekjeuk Shigong’’ parvient pourtant à créer de l’empathie pour ses personnages, et même à mettre en place des enjeux dignes d’intérêt, tout en brassant un grand nombre de thématique, et de genre. Tour à tour comédie de mœurs, Teen Movie, drame sociale, comédie romantique, film de sport, collège movie et film érotique, le récit ne se repose jamais sur ses acquis et ne cesse de surprendre.
Avec une mise en scène pleine d’audace, Yoon Je-kyun se permet même des effets de style des plus bienvenus, comme lors des séquence d’ouverture et de fermeture (qui se font échos), qui font de son film non pas juste un Teen Movie potache comme les autres, mais bien une œuvre à part entière, où la légèreté apparente fait de temps à autre place au drame le plus introspectif.
S’il est vrai que par moment les séquences débiles peuvent blaser, et plombent un peu le récit, elles sont sans cesse contrebalancées par de nouveaux éléments qui alimentent les principaux arcs narratifs. Si l’ensemble tourne autour de Eun-shik et Eun-hyo, les personnages secondaires ont cependant le droit eux aussi à un développement un peu plus poussé, au-delà de leurs attitudes immatures.
Parmi les thématiques soulevées par le métrage se retrouve tour à tour la nécessité, et la difficulté, de s’intégrer dans un groupe, ainsi que le rapport à l’individualité lorsque l’on est en bande. Ou bien encore l’analogie homme/femme, sans arrêt compliquée par les questions de sexualité. L’adultère, l’avortement, l’amour transit et l’image que l’on confère de soit aux autres, extérieurs à son cercle de connaissance, finissent de compléter le tableau.
En ce sens ‘’Saekjeuk Shigong’’ est une œuvre riche, brassant nombre de sujet, par biais d’un scénario rythmé, qui se promène avec aisance entre ses différents genres, parvenant sans cesse à surpasser la tragédie, même lorsqu’il aborde des sujet particulièrement grave et complexe, comme l’avortement, il parvient à reprendre à un moment ou un autre le cours de la comédie.
Même s’il est jonché de séquences vraiment, vraiment, vraiment trash, et gratos, le film de Yoon Je-kyun se révèle tout de même des plus sympathiques, et permet d’offrir une petite lucarne sur la société sud-coréenne et la perception de ses mœurs. En cela, le métrage possède une dimension sociologique importante, à ne pas négliger, car ça le rend bien plus intéressant que ne le laisse présager son synopsis et sa nature de Teen Movie, qui n’est au final qu’une d’apparence.
-Stork._