Tout comme Mary Shelley n’a pas écrit que Frankenstein, que Sir Arthur Conan Doyle n’a pas écrit que du Sherlock Holmes, que Robert E. Howard n’a pas écrit que du Conan, Bram Stoker n’a pas écrit que Dracula. Voilà qui est dit.
The Shadow Builder est une nouvelle de quelques pages parue dans un recueil en 1890. Mais l’adaptation qui en est faite est assez libre.
Vassey, prêtre armé décime des religieux réunis pour convoquer un obscur démon. Il est hélas trop tard pour empêcher sa venue et c’est en suivant sa trace qu’il comprend sa destination, une petite ville où un petit garçon va devenir sa proie. Le Shadow Builder est encore trop faible, vulnérable à la lumière, mais les âmes qu’il prend le renforcent. Bien que solitaire, Vassey va se retrouver entouré de plusieurs personnes pour protéger le jeune garçon.
Shadow Builder est assez anecdotique. Mais à défaut d’être inspiré il est appliqué. Il mise sur le spectaculaire plutôt que l’ambiance, et le premier vieillit souvent plus mal que le second. Ici cela reste convaincant. Ses effets spéciaux concernant la mise à mort des malheureuses victimes, de cendres et de sciures, rendent assez bien à l’écran. La menace en elle-même perd de son cachet une fois apparue, un vilain Belphégor numérique, mais auparavant,sa crainte de la lumière permet d’autres jolis effets.
Si le danger n’est guère perceptible, la petite ville est contaminée par la présence du mauvais esprit, et la violence qui s’en dégage, le défoulement des mauvais instincts, était une intéressante piste, hélas pas assez exploitée. En décentrant un peu plus son cadre de la quête du garçon, Shadow Builder aurait gagné à montrer la folie entraînée par le Shadow Builder, pour asseoir sa menace. Les personnages du film sont d’ailleurs assez intéressants, Chris Hatcher est un jeune adolescent qui évite l’agacement du spectateur souvent ressenti face à ce genre de personnages, les personnages qui gravitent autour ont un peu de matière. Mais c’est véritablement la figure du prêtre qui se distingue, le bras armé de l’église, bourru mais fragilisé par son manque de foi. Le très bon Michael Rooker (Henry, portrait d’un serial killer, c’est lui) l’interprète, et il sait jouer les forts caractères.
Malheureusement pour Shadow Builder, son principal point faible est le personnage éponyme, la menace du film. Un méchant ridiculement grandiloquent, dont il est déjà bien difficile de supporter les jactances avant de découvrir son apparence. Il aurait juste suffit de le laisser un peu plus en retrait, d’économiser un peu sur ses effets spéciaux, pour que les qualités du titre ressortent un peu mieux. Le scénario n’étant guère palpitant, le film manque de qualités plus appuyées pour arriver à se distinguer, et ses quelques idées sont souvent maladroites. Le résultat est assez médiocre, condamnant le Shadow Builder à rester dans l’ombre.
Bram Stoker n’aurait probablement pas apprécié cette version de son histoire, mais avec toutes les adaptations ratées de Dracula il a déjà suffisamment matière à se lamenter dans l’au-delà.