Impro c’est tout.
Au cours d’une des dernières séquences qui achève de faire de nos personnages des perdants au vu de la dérouillée qu’ils se prennent dans un local à poubelle, l’un des combattants met un poing...
le 12 mai 2015
33 j'aime
1
Au cours d’une des dernières séquences qui achève de faire de nos personnages des perdants au vu de la dérouillée qu’ils se prennent dans un local à poubelle, l’un des combattants met un poing directement sur la caméra, à deux reprises, l’occultant totalement. Déclaration d’intention on ne peut plus claire de la part de Cassavetes, qui pour son premier film, bouscule au propre comme au figuré les codes du cinéma de son pays au profit de ce qui va se nommer le « cinéma vérité ».
Soit la vie quotidienne et combinarde de jeunes paumés dans un New York underground où tentent, sans grand succès, de se mêler noirs et blancs sous l’illusoire concorde d’un jazz omniprésent. Tourné en 16mm, laissant en grande partie les comédiens improviser, Shadows se veut une captation brute de la pulsation urbaine, nocturne et spontanée de ceux qui n’ont pas grand-chose, ni dans leurs poches, ni à faire.
Les maladresses sont nombreuses, tour à tour irritantes ou séduisantes. Faux raccords, ellipses, dilatation du temps dans l’attente du surgissement émotionnel, le film distribue des séquences à la fois très théâtrales, surjouées, et par instants saisissantes d’authenticité. C’est dans l’immaturité des personnages, sorte d’adolescents attardés, qu’il s’en sort le mieux : éclats de rire, phénomènes de groupe probablement dus à l’improvisation, certains échanges sont très réussis. L’autre talent du film est sa propension à capter l’urbanité nocturne : les rues de New York, ses bars, ses enseignes lumineuses restituent parfaitement la pulsation de la ville qui ne dort jamais, annonçant la fascination vénéneuse de Taxi Driver ou l’oisiveté poétique de Jarmush, avec une différence de taille : ici, le cinéaste délaisse ostensiblement la dimension esthétisante de son cinéma.
Marivaudage brut sans réelle leçon à la clé (« Forget about it » étant la phrase finale), Shadows ne provoque pas d’empathie. La musique elle-même semble indifférente aux différentes scènes, et les nimbe de cette improvisation secondaire chatoyante et distanciée.
Une expérience qui a clairement sa place dans l’histoire du cinéma, mais n’atteint pas pour autant les cœurs.
http://www.senscritique.com/liste/Cycle_John_Cassavetes/880788
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Film dont la musique est un des protagonistes, Film dont la ville est un des protagonistes, Vus en 2015, Les meilleurs films du cinéma expérimental et Cycle John Cassavetes
Créée
le 12 mai 2015
Critique lue 1.3K fois
33 j'aime
1 commentaire
D'autres avis sur Shadows
Au cours d’une des dernières séquences qui achève de faire de nos personnages des perdants au vu de la dérouillée qu’ils se prennent dans un local à poubelle, l’un des combattants met un poing...
le 12 mai 2015
33 j'aime
1
"Un drame, c'est plus beau quand ça swingue." C'est un peu ce que semble nous dire Cassavetes tout en demandant à Shafi Hadi et Charles Mingus de jouer toujours plus fort. Dès son premier film,...
Par
le 31 mai 2012
27 j'aime
C'est toujours difficile de juger un premier film : moins d'expérience, plus de fraîcheur, moins de maîtrise, plus d'originalité. On devrait les considérer en étant moins exigeants sur la forme, et...
le 4 août 2011
11 j'aime
Du même critique
Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...
le 6 déc. 2014
773 j'aime
107
Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...
le 14 août 2019
714 j'aime
55
La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...
le 30 mars 2014
617 j'aime
53