Curieux hommage à l'un des tous premiers héros noir du cinéma américain que ce Shaft version début du 21ème siècle.
Le premier était un détective privé charismatique, solitaire agissant hors du système et à l'occasion des lois, qui pouvait prétendre à la fois à la confiance de la population en tant que membre de la communauté, et à celle de la police grâce à un certain idéal de justice (malgré une dose de méfiance réciproque, le racisme n'y étant pas dissimulé, ce qui n'étonne pas quand on pense que l'abolition de la ségregation raciale par le Civil Rights Act date de seulement sept ans avant le premier film).
Le second, son neveu, dépourvu du charme sexuel familial (pour le meilleur ou pour le pire) a préféré, à défaut de blondes et de brunes, s'engager dans la rousse, ce qui lui confère tristement la position inverse : "trop noir pour être bleu, trop bleu pour être noir" dixit l'intéressé (à quelque chose près).
Le bleu pas si bleu, puisqu'il tient bien la cinquantaine, rendra son shuri-badge en découvrant qu'il est plus facile d'échapper à la justice quand on est blanc et riche, que noir et pauvre. Ce qui doit soulager Tonton, qui était au courant depuis trente ans.
D'autant que punir et sévir, ça peut faire bad-ass quand on est privé, mais ça fait furieusement penser à de la violence policière quand on porte l'uniforme.
Notons le petit clin d'oeil aux premiers films avec le flic qui lâche une vanne raciste dans le commissariat... qu'on retrouve un peu plus tard, bon pote filant le coup de main pour faire le coup de poing avec notre justicier new-yorkais.
Curieux, je vous dis.
Mais revenons-en aux faits : en plus d'être une brute qui terrorise les petits dealers du quartier, le bougre est une catastrophe ambulante dont le destin semble être de ruiner la vie des gens qu'il croise.
Car, pendant que la pègre locale (pourtant issue de minorités) tente de sympathiser avec l'auteur d'un crime raciste, l'argent n'ayant pas de couleur, notre Shaft en herbe, non content de faire lamentablement échouer par manque de discrétion, le plan bancal qu'il avait durement mis en place autour de l'argent d'un contrat, entreprend de guider par mégarde des tueurs vers le témoin clé de l'affaire, une savoureuse serveuse qui se cachait judicieusement après avoir été grassement payée pour se taire.
Forcée à venir témoigner contre son gré, imaginez le traumatisme de ce qui restera probablement comme la pire journée de toute la vie de l'infortunée, entre la mort de son frère, les fusillades incessantes, une cascade de cadavres et un terrible accident de la route. Sans oublier le carnage méthodique de toutes les possessions, appartement et murs compris, ainsi que de la voiture du malheureux chauffeur de l'équipe (qui s'en verra offrir une neuve en compensation, ce qui n'est pas chiche, si l'on excepte la contrepartie de devoir continuer à trimballer le poissard).
Une fois les chargeurs vides et les tires sur le toit, aucun des malfrats n'ayant survécu à ce déluge de feu et de sang, la demoiselle peut... rentrer chez elle, le procès n'aura jamais lieu : le vil meurtrier est assassiné en public sur les marches du palais, par la mère de la victime excédée elle aussi, de l'inefficacité des tribunaux. Ce qui la voue tragiquement à finir sa vie en prison, dernière vie brisée (si elle pouvait l'être plus) par l'amateurisme du vengeur improvisé qui n'osa rendre justice lui-même.
Voilà donc le bilan dramatique de ce Shaft, vulgaire poulet mouillé censé reprendre le flambeau de l'icône de la blaxploitation, du James Bond de Harlem. Même niveau musique, on a connu mieux, si vous voulez mon avis.