Dans le désarroi solitaire du désir charnel qui se dérobe à l’amour, Shame est la tragédie contemporaine d’une jouissance avide et sans âme. Un film au final très mélancolique.

La vie Brandon est banale : il travaille trop, sépare amour et sexualité et à délaisse sa sœur. Son addiction , une sexualité solitaire et frénétique devient une difficulté insurmontable. Steve McQueen traduit dans les plans, la musique la souffrance de Brandon, tout comme sa prise de conscience de celle de sa sœur.

Fassbender est excellent, dans ce rôle très émouvant. La tragédie de Brandon est celle d’une fuite en avant, celle de courir sans cesse contre la montre, vers un désir impossible confondu avec la jouissance, une jouissance toujours plus intense, et finalement toujours décevante. Il est torturé par une très sombre addiction à la sexualité, violente, bestiale, douloureuse. Il consomme certes, mais se consume, au travers des « objets » de désir à portée de main, de regard, de sensations. Il y a là pour moi une forme de tragédie intime, de destructivité à travers cette addiction, qui désincarne l’autre et qui empêche aussi Brandon d’aimer. Brandon a un vrai problème dans ses rapports avec l’autre sexe, car il ne peut désirer sexuellement une femme qu’à la condition qu’il ne ressente aucun sentiment pour elle… Il a besoin d’être en relation avec l’autre, d’approcher les femmes et de les séduire, mais cette attirance ne peut trouver à s’exprimer qu’à travers une relation tarifée et sexuelle. C’est un mur infranchissable entre Brandon et les femmes qu’il pourrait aimer … Celle qui est choisie doit entrer dans son jeu et ne peut donc pas exister pour elle -même. C’est une mise en scène fixe dans laquelle il est lui en sécurité. Sans doute que c’est l’arrivée de la sœur qui va rendre la chose encore plus tragique et tout faire basculer, va le pousser à la surenchère. Ce qui m’interroge, c’est pourquoi SMQ appelle-t-il son film Shame qui donne aux aventures sexuelles de Brandon une notion morale, (la question de la honte, de l’indignité) L’addiction sexuelle est un « trouble » psychique, un symptôme, pas une faute morale. La honte concerne le sentiment intime de Brandon sur sa vie, ses dérapages, le fait qu'il doive cacher aux regards des autres...effectivement il s'agit plus de honte que de culpabilité. Le malaise qui se distille avec l'arrivée de la sœur et leur relation ambiguë est celui que l'on peut éprouver dans toutes ces atmosphères dites "incestuelles" où règne la confusion , l'absence de frontières, la proximité d'un dépassement de l'interdit ...sans même qu'il ne soit "réalisé" Mais l'un et l'autre semblent porter à leur manière le poids d'une histoire trouble D'ailleurs, les blessures (scarifications) de la sœur évoquent des blessures plus intimes ,dont on ne saura rien dans le film ( qu'ont- ils vécu l'un et l'autre qui a laissé de telles blessures physiques? Des blessures renvoyant à mon avis aux traces psychiques laissées par des événements traumatiques, ou transgressifs ...) En tout cas, un superbe film .

cathVK44
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le 30 juil. 2024

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le 30 juil. 2024

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