Bon je n'ai pas pris la peine de vérifier la fiche wikipédia de Steve McQueen, mais il me semble qu'avant d'entamer sa carrière de cinéaste, il était artiste plasticien et / ou photographe, et ce passif à une évidente influence sur sa réalisation, comme c'est le cas pour des réalisateurs issus du clip et de la publicité. De plus je n'ai pas vu son premier film Hunger, porté déjà à l'époque par un Michael Fassbender habité, qui incarnait un prisonnier de l'IRA accomplissant une grève de la faim.
Shame est également centré sur une nouvelle performance physique de Fassbender, que la caméra ne quitte quasiment pas un seul instant. Mais dans Shame, il est question de sexe et d'addiction.
Brandon incarne une certaine réussite sociale, un travail où il semble bien intégré et efficace, un bel appartement à Manhattan. Mais sous cette apparence d'homme accompli, Brandon dissimule un vice qui le consumme peu à peu: le sexe.
Le film s'articule autour de deux séquences dans le métro. Dans la première, Brandon est assis, tiré à quatre épingles dans son manteau chic, les cheveux impeccables, sur de lui. Son regard croise celui d'une femme. Ne la quittant pas des yeux, il provoque en elle du désir et du malaise. Elle est mariée. Tel le prédateur sexuel qu'il est, il part en chasse, mais sa proie finit par lui échapper. Durant cette séquence sont intégrés des plans où Brandon enchaîne les relations sexuelles, coup d'un soir, prostituée, masturbation.
Seconde séquence dans le métro. Brandon a perdu de sa magnifiscence. En jogging gris, les cheveux en bataille, le visage tuméfié, on découvre en flashback, jusqu'où la mené sa frénésie sexuelle. Drague hardcore dans un bar miteux, où il se fait passer à tabac par un petit ami jaloux, fellation dans une boîte homosexuelle, partie à trois avec deux prostituées. Il se dégoute mais ne peut lutter.
Entre ces deux séquences, l'arrivée de sa soeur va perturber son existence. Elle fait remonter à la surface un passé dont on ne saura rien mais qu'on imagine lourd et malsain (le message sur le répondeur, "we're not bad people, we're dumped from a bad place"). Sissy est un être fragile, névrosé, suicidaire. Elle a besoin d'être rassurée et protégée et vient chercher auprès de son frère un réconfort et un soutien qu'il ne peut lui apporter lui même étant prisonnier de ses démons et tourments. De plus en s'immiscant dans son intimité dévoyé, elle provoque en lui une réaction de dégoût et de honte car il n'assume pas ce qu'il est, son addiction. Toutefois à aucun moment il ne cherchera à résoudre son problème, à demander de l'aide. Sa seule tentative de remise en question, il l'adressera à sa soeur, le discours qu'il lui tient s'adressant autant à elle qu'à lui-même.
La chair pour Brandon est triste, l'acte sexuel est vécu comme une souffrance (en témoigne son visage déformé par un rictus exprimant tout sauf le plaisir, au moment de la jouissance), uniquement accompli pour assouvir des pulsions qu'il ne parvient pas à controler. Ainsi lorsque Brandon établit un lien émotionnelle avec une femme, il perd ses moyens, devient impuissant. Et convoque immédiatement une prostituée pour tourner la page.
L'énième tentative de Sissy de mettre fin à ses jours, semble agir comme une électrochoc sur Brandon, une possible prise de conscience... ou pas. Le film se termine par un ultime retour dans le métro, Brandon croise à nouveau le regard d'une femme, elle est mariée. La boucle est bouclée. Retour case départ ?
Le film se veut à la fois subtil dans sa manière de suggérer plus que d'expliciter et osé dans son approche crue et frontale de la sexualité. Mais au final il faut admettre qu'il échoue sur les deux tableaux. Steve McQueen ne faisant pas vraiment dans la dentelle avec ce coté arty exaspérant. Une très belle photographie, de bons cadrages, des plans maîtrisés. Bref une mise en scène tape à l'oeil et présomptueuse.
De plus, le rythme du film est désespérement lent, McQueen abuse de longs plan-séquences à la signification trop appuyée. Etait-il nécessaire de filmer Carrey Mulligan interprétant en intégralité New-York, New-York dans une version mou du genou, pour nous faire ressentir la mélancolie de Brandon? De faire un travelling de deux plombes sur Fassbender courant pour évacuer sa frustration? De filmer intégralement la montée d'un ascenseur pour ménager un faux suspense ?
Mon verdict sur Shame est donc plutôt mitigé. Difficile de nier au film, une certaine beauté formelle et tant pis pour le fond qui s'inscrit en pointillé. Difficile de trouver à redire sur l'interprétation magistrale de Michael Fassbender, même si le coté performance peut en agacer certain. Un sujet fort qui aurait peut être mérité un autre traitement.