Sorti de nulle part en 2013, Sharknado s’est rapidement fait connaître auprès d’une plus large frange de cinéphiles que son public visé. Tout est dans le titre, avec une tornade qui envoie des requins un peu partout dans une ville côtière. Au point que certains amateurs de films de série B ont pu en avoir plein les oreilles d’entendre parler de ce téléfilm, trop rapidement accolé à la case nanar.
On refait le point : un nanar est un mauvais film sympathique. Il n’a pas demandé à être un nanar, mais il possède certaines qualités qui permettent de l’apprécier sous un autre regard que celui de la cinéphilie classique. Un nanar, c’est un accident de parcours, un enfant non désiré mais pourtant choupinou.
Téléfilm pour la chaîne Syfy, qui aimait alors les films de requins loufoques, son absence de moyens laisse parfois l’impression d’être devant un nanar, il faut bien le reconnaître. Il y a déjà cette horrible photographie, au filtre numérique gris envahissant pour bien nous faire comprendre qu’il fait moche. Mais qui dans d’autres plans semble avoir désactivé, ce qui fait le yoyo dans les conditions météorologiques avec quelques scènes trop illuminées. La réalisation se perd dans un montage un peu précipité et des gros plans bien pratiques pour économiser quelques sous. Comme ces montages mal déroulés pour nous faire croire que les acteurs sont sur des jet-skis, ou ces scènes à l’intérieur d’une voiture absolument pas crédibles et bien trop nombreuses.
La distribution ne joue pas du Kubrick, et on peut dire que, dans l’ensemble, ça va. Ian Ziering incarne le premier rôle, surfeur/barman/ami fidèle/père incompris/sauveur de tout le monde, où l’héroïsme ressemble tout de même plus à de l’inconscience. Quelques seconds rôles sont assez convaincants. Et puis Tara Reid, l’ex-femme d’Ian, qui tire la tronche et en fera le moins possible tant qu’elle touche son chèque.
Le film est plus attendu sur ses effets spéciaux, mais ce n’est pas la catastrophe redoutée. Au vu du nombre de scènes avec des effets, l’ensemble se tient assez bien compte-tenu des prétentions du film. Il y a bien quelques moments où l’argent semble manquer, mais on parle tout de même d’un film avec une ville dévastée par des tornades et attaquée par des requins extraits de celles-ci. L’effet de désolation est d’ailleurs assez bien rendu, avec quelques bâtiments détruits et de l’eau partout, pour un petit côté apocalyptique qui fait le goûter.
Mais ce n’est pas un nanar. Sharknado pousse les barrières un peu plus loin, dans un second degré totalement assumé, qui voit des tornades recracher des requins sur Los Angeles. Il a la conscience d’être un produit d’exploitation, en assumant complètement son côté décomplexé. Il le cache derrière une façade faussement sérieuse, à de nombreuses reprises fendillées par les pouffements de l’équipe technique.
Le scénario ne manque pas de faiblesses, comme ces requins qui arrivent à nager dans quelques décimètres d’eau, mais il possède aussi des fulgurances outrancières assez jouissives. Il faut citer ce requin expulsé par une canalisation d’eau et qui sera pris pour cible comme au ball-trap. Ou ce saut épique à l’intérieur d’un requin, fusil à pompes et tronçonneuse dans chaque main. Ou la meilleure manière qu’à trouver le film pour arrêter cette menace. Et, finalement, on en viendrait presque à croire que les faiblesses évoquées plus haut n’aient pas été laissées exprès.
Mélangeant sharksploitation et disaster movie, le tout avec un certain second degré et un certain plaisir pour l’action décomplexée, Sharknado n’a pas froid aux yeux. Il semble pouvoir tout se permettre, sans connaître ses limites, avec un aplomb que ne renieraient pas certains nanars. Mais tout ici semble intégré consciemment, ou tout au plus laissé tel quel avec un certain sourire complice. Le film n’améliorera pas la mauvaise image des requins au cinéma, mais c’est un petit plaisir coupable bien appréciable, décliné en de nombreuses suites, copies peu inspirées ou de productions dans le même ton.
Comme les castors zombies de Zombeavers.