Festival de Deauville, beaucoup trop tôt le matin, un espresso à la main, l'autre tenue par l'ami qui nous tire voir un docu sur son idole, on regarde le film avec un œil dans chaque coin. Et on n'a pas regretté le lever matinal. Sharon Stone : l'instinct de survie est un documentaire plus que bienvenu, puisqu'il nous a fait prendre conscience qu'on connaissait le nom de Sharon Stone, mais que (préparez le cageot de tomates) on n'a vu aucun de ses films (allez-y, lancez). Sur la bonne cinquantaine de titres qui défilent à l'écran, avec la narratrice (Julie Gayet, captivante, et qu'on sent vraiment heureuse d'être là, depuis son docu sur les femmes au cinéma : Filmmakers) qui nous fait saliver avec des anecdotes et des synopsis très alléchants (même pour les "mauvais films" qui sont présentés avec autant d'amour que les chefs-d’œuvre : ça c'est un bon commentaire de film, il vous donne envie de goûter par vous-même, d'être curieux, quelle que soit son avis), on a logiquement sorti le calepin pour rattraper toute cette belle filmo. Mais, si vous connaissez ses films, ne pensez pas que le documentaire n'a rien à vous apprendre, car il plonge dans ses combats en coulisses de chaque succès sur grand écran, d'une femme qui aurait voulu se rebeller contre son image de sex-symbol, qui aurait aimé mettre une culotte sur ces jambes décroisées, qui aurait aimé que le spectateur fantasme sur son talent d'actrice plutôt que sur ses mensurations, mais a dû se plier au business du pantalon en surchauffe. On découvre alors la Sharon secrète, la femme que sa plastique de rêve agace, et qui passera le reste de sa carrière à parsemer ses films de références "anti-95D", va mettre un point d'honneur à défendre ses personnages contre les images de cruche que les studios attendent (vous n'êtes pas prêt pour l'anecdote du producteur qui se débraguette devant elle... Harvey Weinstein était loin d'être le seul). Le documentaire va jusque dans ses années avancées, et on découvre alors la (très) belle femme âgée, qui fait de ses rides des traces de beauté, qui se fait égérie de grandes marques de luxe sans oublier de pousser une gueulante dans un talk-show contre l'âgisme écœurant d'Hollywood (vous êtes une femme de plus de quarante ans ? Vous êtes "périmée", darling...). Si vous aimez Sharon Stone, vous allez vous surprendre à faire un tour en coulisse (sans jamais avoir l'impression d'être dans un tabloïd à scandales), et si vous êtes néophyte, ce documentaire vous donnera l'envie folle de décroiser vos jambes (on espère que vous avez un sous-vêtement) pour aller chercher la filmo de la Dame.