La ferme des animaux

Exit les cochons, ce sont maintenant les moutons qui prennent les rênes de cette aventure au cœur de la jungle urbaine.

La dernière pépite en date des studios Aardman, Shaun le Mouton, revient à la ferme, comme l’était déjà Chicken Run. Ou plutôt, elle quitte la ferme pour mieux y revenir, car les moutons, Shaun en tête, sont las de la routine qui est la leur, et rêvent de nouveautés. Mais malgré toute leur ingéniosité pour essayer d’avoir un jour de congé, le fermier se retrouve malencontreusement dans la jungle urbaine. On suit donc le périple des animaux dans ce milieu inconnu, à la recherche de leur fermier bien aimé, devenu amnésique. On pourrait croire qu’il s’engage un combat entre les animaux et les humains, mais c’est plutôt le monde rural contre le monde urbain qui est montré ici. La fascination éprouvée pour ce monde moderne est de courte durée, car bien vite ils se retrouvent confrontés à un univers où règne la loi du plus fort, où ce qu’on fait miroiter sur les panneaux publicitaires n’est en réalité pas accessible à tous. La joyeuse troupe connait donc la menace de la fourrière, la nécessité de changer d’identité, les difficultés de l’intégration, l’emprisonnement, la condition de SDF et la nostalgie du lieu que l’on a quitté. Toutes ces difficultés sont finalement l’illustration du mode de vie des immigrés, des sans-papiers, de tous ces gens qui pensaient connaître un avenir meilleur et qui font face à la désillusion, et c’est ce qui fait de Shaun le Mouton un film intelligent, qui invite à poser un regard différent sur les conditions de vie de ces défavorisés. Cependant, le film n’est jamais pesant, car c’est sans compter l’ingéniosité de Shaun, qui arrive à sortir ses compagnons de n’importe quel pétrin, et la solidarité dont ils font preuve en toutes circonstances. En parallèle s’opère un inversement de valeur : le monde hype de la ville, peuplé par des humains aisés, apparait justement déshumanisé. En effet, ils cherchent la conformité, ils adoptent tous la coupe mouton façonnée par le fermier, érigé de façon ironique en it people. Tandis que les animaux gagnent en humanité au contact de l’adversité, le peuple hype se transforme peu à peu en troupeau, manipulable à souhait. Dans notre monde en proie à l’exode rural, un dessin animé prônant le retour aux campagnes apporte comme un souffle de fraîcheur, tout en nous mettant nez à nez avec l’absurdité de nos conditions de vie de followeurs. Loin d’être moralisateur, on ressort de ce film tout sourire, avec la satisfaction d’un retour à l’ordre, en chantonnant « it’s Shaun the Sheep ».