Après le vol, Lou découvre une opportunité dans un autre registre : l’info news trash. Débutant, on le suit durant sa malsaine ascension apprendre peu à peu les ficelles du métier, rencontrer les faiseurs de scoops ainsi que les monteurs de mélodrames réalistes, tous axés sur un objectif : faire de l’audience. Pour cela, il faut percevoir les envies et les attentes du public visé, c'est-à-dire du cru, du saignant, du nouveau, du sensationnel. Lou ne tarde pas à comprendre tout ceci, lui qui répète à tout va qu’il apprend vite. Armé de sa caméra, il se lance à l’affut des moindres faits divers, de préférence sordide, et grâce à sa façon de s’immiscer au plus près des sujets/victimes, il se démarque rapidement des autres reporters. Il se montre plus rapide que ses concurrents pour être le premier à avoir l’image, affine ses stratégies de nuits en nuits, ses cadres se veulent plus recherchés, pour exacerber l’horreur de la vie quotidienne de L.A. Le point de non retour est à mon sens lorsqu’on le voit déplacer un cadavre sur le lieu d’un accident pour le mettre devant les phares, afin d’améliorer la lumière et ainsi le mettre en valeur. C’est avec ces images qu’il se fait remarquer au sein de la chaîne d’info.
Lou est comme les images qu’il produit : il sait se mettre en scène pour se vendre, en utilisant sa démagogie ou un costume propre, il est manipulateur et se montre aussi cru que ses plans ensanglantés, notamment dans son rapport à Nina, dans la scène au resto d’un cynisme déroutant, ou à Rick, à qui il affirme clairement : « tu dis que je ne comprends pas les gens, mais c’est peut être que je ne les aime pas ». Rick est d’ailleurs son opposé : il apparaît humain, car il est moins intelligent, il a des réactions plus rationnelles à la vue des horreurs, il serait une image de la morale qu’il manque à Lou. Il sera finalement une des victimes symbolique du petit écran : le plan de sa mort est monté en fondu dans l’image avec une antenne télé qui le transperce.
Nous pouvons nous montrer choqué par les méthodes employées par Lou pour obtenir ces images et le fait que celles-ci soient diffusées dans un quasi mépris de la loi et des familles des victimes, mais nous faisons partis de cet audimat à la recherche de sensationnel, comme le prouve notre qualité de spectateur, nous qui éprouvons un plaisir malsain à regarder ces images. Plus qu’une critique des médias américains, le film nous interroge sur la distanciation que nous faisons lorsqu’un écran nous sépare de la réalité.
D’une manière assez paradoxale, le film dénonce la force des images en nous montrant des snuff movies, tout en bénéficiant d’une photographie magnifique (par Robert Elswit) des rues de L.A. plongées dans la nuit. Finalement, la plus grande différence entre télé et cinéma, est non pas la force des images, mais leur beauté.