Là ! R’mets des Morts, et Là ! R’mets des Mots Riants

Shaun Of The Dead est le premier film de la trilogie Cornetto, ou Blood & Ice Cream.
L’idée ?



Divertissement cinématographique.



Ici, Edgar Wright s’amuse avec des zombies.


La musique nous plonge dans l’ambiance avant même les premières images pour ouvrir le récit sur Shaun et Liz au pub, discutant de leurs problèmes de couples, autour de l’intimité principalement, devant leurs amis respectifs. Ed pour Shaun, Daffs et sa blonde pour Liz. Un absurde de situation pour planter d’entrée le décor psychologique du Shaun en question : presque trentenaire, incapable mais profondément honnête, il ne sait pas mentir et si Liz se contentait comme lui de sa médiocrité, il serait heureux. Certes, Ed est une large partie du problème, le pote envahissant passe son temps au shoot’em-up sur la console, joints au bec, et t-shirt ostentatoire à deux sous « I’ve got wood », mais tous deux n’ont jamais eu d’autre ambition que de profiter de l’instant. Jusqu’à…


« Things will change, I promise. »


Z-movie donc.



Morts-vivants au menu



dès le court générique jouant de l’imbécile mécanique consumériste des humains : caissières de supermarché, quidams dans une queue quelconque, danseurs urbains lobotomisés de futilités naïves. Jusqu’au bâillement rauque de Shaun au réveil.
Musique guillerette.
Les codes du film d’horreur dans le quotidien des gestes, plans inserts en montage sec et rapide, raccords dynamiques régulièrement utilisés pour condenser le temps des actions quotidiennes qu’on fait sans réfléchir. L’horreur s’installe sans que les deux copains n’y voient rien, n’entendent rien malgré tous les messages qui alimentent la bande-son, entre la radio et la télévision – excellent zapping :
« … as an increasing number of reports of … serious attacks… on people who are litteraly being… eaten alive… »
même l’anodin message sur le répondeur qui s’interroge quant au menu, viande ou non ? Shaun traîne sa gueule de bois dans le quartier, trajet habituel du soda et du cornet de glace dominical, sans lever les yeux, sans voir le chaos tout autour ni réagir au moindre grognement. Sans réaliser un instant qu’il est cerné de morts-vivants.



Que Londres est livrée aux zombies.



Et quand Ed et Shaun les affrontent enfin, les deux larrons prennent le temps de trier les disques qu’ils leur jettent au visage. Le sacrifice final, la grosse engueulade au climax entre les survivants quand tous devraient se concentrer urgemment sur la menace extérieure. Tension portée jusqu’à la fin, jusqu’au bout, deux cartouches pour trois survivants.
Un mot sur les maquillages, sublimes. Sanglants, dégoulinants. Affreux et nauséeux. Insupportables d’authenticité crade, écœurants. Les effets de boucherie flasques et sanguinolents lors de la mort de Daffs, torn apart through the window.
Même le happy-end fonctionne.


Excellent duo de comédiens, Simon Pegg et Nick Frost se sont trouvés.
Physiquement la paire fonctionne. Le fin pas trop malin et le gras stupide au grand cœur, un talent complice naît là, ils sont parfaits sur le rythme autant que dans le jeu. Justes. La séquence des larmes au pub, yeux rouges et détresse profonde habitent Shaun quand Ed, ne sachant quoi faire d’autre que de paraître fort pour son ami, reste égal à lui-même. Faussement niais et positif.
. Tous deux tiennent une bonne partie du film, et les seconds rôles à leurs côtés excellent chacun dans leur registre, à commencer par Kate Ashfield, Liz idéale, mignonne et amoureuse. Désespérément. Naïve et charmante girl next door inaccessible. Bill Nighy incarne méticuleusement le beau-père un peu coincé, un peu strict, incapable de transmettre ou de partager ses sentiments. Court rôle mais Bill Nighy, impeccable. La présence presque muette de Martin Freeman, anecdotique, s’apprécie malgré tout.


Entre Liz et sa mère, Shaun se cherche. Entre l’amour et la routine, ses rapports sont tendus avec Liz, et tandis que la mort menace, le presque trentenaire reste inquiet pour sa mère. Grandir. Fuir le cocon, couper le cordon afin de s’émanciper. Deux femmes, deux univers. Entre celle qui a toujours été là pour lui et celle pour qui il se doit de toujours être là, Shaun reste mollement indécis.
Entre l’enfant et l’homme.
Entre la part de rire et les responsabilités.



Le cornet de glace ou le congélateur ?



Bientôt il lui faut choisir. Bandeau rouge au crâne, look Rambo, Shaun applique le plan : sauver la copine et la mère, filer s’enfermer au pub en attendant que ça se calme. L’initiative a le mérite de lui permettre de présenter les deux femmes de sa vie l’une à l’autre.


Rythme au maximum durant plus d’une heure, il se passe toujours quelque chose, danger ou rire. Une légère baisse de souffle au scénario étire dix minutes, un moment dans le pub, mais tout redémarre vite. Le film fond comme cornet de glace au soleil, et colle aux doigts, plein de sucres : burlesque assumé à la Buster Keaton avec le gag de la barrière, ridicule minimaliste à la Mel Brooks quand Shaun se hisse sur un toboggan nain de plastique.
« But dogs can look up »
L’humour so british, absurde et savoureux.


Premier film de la Blood & Ice Cream, Shaun Of The Dead gère la romance haletante et le passage à l’âge adulte de son personnage titre mais cache aussi une exquise bro’mance.



Là tient en partie l’équliibre.



Conscience et compréhension de soi, amour, Shaun perd beaucoup mais gagne l’essentiel.
Un pur objet de cinéma : divertissement, hommage, rapports humains. Larmes et fous rires dans les mêmes dialogues sur un rythme de fou, plaisir intense, jusqu’au bout du déroulant. Jusqu’aux dernières notes de l’ultime musique du film, un air de cirque…


   Matthieu Marsan-Bacheré
Matthieu_Marsan-Bach
8

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Créée

le 28 nov. 2015

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