Fin de Festival de Cannes, on est mentalement (et physiquement) proche d'un état de mort imminente, alors quand on voit au loin une file d'attente qui a l'air contente d'aller voir un film au Grand Palais, on se met derrière, sans plus de question. Nous voici donc en train de poireauter pour aller voir (sans le savoir) She's Got No Name, ce qui restera comme une des claques de cette édition 2024 du Festival. On y suit le fait divers (totalement inconnu pour notre part) d'un meurtre conjugal qui a renversé la place de la femme en Chine, dans les années 40 où elles ne pouvaient prétendre qu'à des coups de leur mari, des hommes de pouvoir (policiers, geôliers...) et n'avaient généralement pas le droit à la parole. Voici donc que cette petite dame qui a dépecé son mari devient une affaire surmédiatisée, dont on veut absolument savoir ce qui a conduit au massacre de Monsieur, pour savoir si le fait divers mérite d'être la goutte d'eau qui fait exploser en mille morceaux (à défaut de faire gentiment déborder) le vase de la Femme Chinoise. Et les révélations font mal, très mal. Si vous êtes un peu sensible aux violences conjugales, on préfère vous mettre en garde : She's Got No Name ne vous épargne rien. De la simple baffe au viol conjugal, une épreuve visuelle qui a fait courir un silence de mort dans la salle aux 2000 personnes. Aussi, quand on sent que notre avis change sur cette meurtrière au fur et à mesure qu'on creuse son passé, on sait que le film est virtuose, et il le fait confirmer par un rapport au théâtre de rue, ancêtre du journal télévisé, qui déforme une réalité jusqu'au sacre ultime :
traiter littéralement de bouffon ce policier qui s'est acharné sur cette pauvre dame, à cause de son sexe.
Salve d'applaudissements dans la salle, on en avait les yeux embrumés. On termine She's Got No Name très ému du jeu des acteurs stupéfiants de sincérité, de son sujet très engagé pour la cause féminine au travers d'une bouleversante histoire vraie qui nous met peu à peu dans sa poche (pas d'emblée : on doit venir à elle), et de la violence de ses images, pour servir sa cause. Une énorme baffe dans notre tronche, la seule qu'on accepte de recevoir.