Aventures tarzoonesques

"Sheena" à l'origine, c'est une BD, un comics crée en 1938 qui se présente comme un équivalent féminin de Tarzan et qui engendrera la mode des jungle girls en BD en Europe et aux USA. Ce genre d'adaptation, tout fan de BD sexy en rêvait, malheusement, c'est devenu un film raté côté talent et invention parce que les auteurs du scénario (dont fait quand même partie Lorenzo Semple Jr qui fut l'un des scénaristes des séries Batman et le Frelon vert) n'ont pas su pondre un script correct et n'y ont vu qu'une machine à dollars. Pourtant, il y avait de quoi faire une excellente petite série B telle qu'on en faisait dans les années 80, rapide, nerveuse, séduisante.
John Guillermin fut désigné à la réalisation, ce mec avait quand même commis quelques bons films comme le Jour où l'on dévalisa la banque d'Angleterre, agréable comédie policière, le Crépuscule des aigles, belle évocation de l'aviation de chasse allemande durant la guerre de 14-18, le Syndicat du meurtre, un polar solide sur la mafia, le Pont de Remagen, excellent film de guerre, ou encore le premier film catastrophe d'avion avant la vogue des Airport avec Alerte à la bombe. Il a aussi réalisé le troisième film sur Shaft, Shaft et les trafiquants d'hommes, mais surtout la Tour infernale qui est considéré comme le meilleur film catastrophe de tous les temps, de même que son remake de King Kong en 1976 avait de grandes qualités, sans oublier Mort sur le Nil, sans doute le meilleur Hercule Poirot au cinéma. Mais attendez, pourtant les films de jungle, Guillermin aurait dû savoir y faire puisqu'il a réalisé 2 Tarzan : la Plus grande aventure de Tarzan, avec Gordon Scott dans le rôle-titre, l'un des meilleurs après ceux de Johnny Weissmuller, et le moins réussi Tarzan aux Indes avec Jock Mahoney.
Alors, qu'est-ce qui s'est passé ? tout simplement que Guillermin s'est retrouvé yes man du studio et qu'il a dû faire ce qu'on lui disait, sans invention, sans folie, sans rien... c'est bien dommage. Ce Sheena, reine de la jungle a été traité par dessus la jambe, n'étant rien d'autre qu'un petit nanar à la mise en scène superficielle, dans un style soap opera du dimanche, avec une intrigue très "sérial", assortie d'une love story complètement bêtasse, de méchants caricaturaux et d'une vision simpliste de l'Afrique malmenée par de mauvais Blancs.
Le traitement des personnages est de la même trempe : pour le rôle de Sheena la femme forte et sauvage, on espérait une animalité, un corps ultra sexy, et le choix de Tanya Roberts semblait plutôt bon vu qu'à l'époque, cette actrice était d'une beauté à tomber par terre, mais la prod en fait une blondasse insipide, un mannequin de publicité pour savonnette ou bain douche ; les contacts entre cette femme de la jungle et l'homme de la civilisation sont également ratés, en partie à cause de Ted Wass qui se révèle piètre acteur.
Dans la BD, Sheena avait pour amant un mâle stupide qu'elle devait tirer des griffes d'un lion ou d'une tribu hostile, inversant ainsi les rapports traditionnels homme dominant/femme soumise, d'où une certaine dureté du personnage, voire même une certaine virilité qui compensait ce caractère par son aspect sexy faisant fantasmer le lecteur des années 40. Tout ceci a disparu dans ce film, le côté sexuel est réduit à une amourette au premier degré avec un érotisme très prude, Tanya Roberts donnant juste l'illusion d'un fantasme assez sage en bikini léopard du plus bel effet sur son corps de rêve. J'aurais tellement voulu voir une Sheena plus tonique et plus sexe qui aurait pété la gueule à de méchants profiteurs et saccageurs de sa jungle... reste un film impersonnel, comme je disais, un nanar à peine acceptable qu'on peut voir un soir de grande indulgence.