Après le succès correct du premier opus, Warner décida vraisemblablement qu'elle était tombée sur un bon filon. Elle décida alors de rappeler l'ami Guy Ritchie en lui demandant de pondre une suite, en mieux. Et plus vite que ça !
Résultat, deux ans après le premier film, sorti Sherlock Holmes : Jeu d'ombres. Et alors que le premier film m'avait d'abord laissé sceptique (mon avis a bien changé depuis), celui-ci me captiva tout de suite.
Bon, pas au point d'avoir aveuglé votre serviteur sur les imperfections de la gemme ci-examinée. Tout d'abord, il est assez regrettable d'avoir conservé certains défauts de réalisation qui gâchaient un peu le premier film. Les scènes d'action en deviennent parfois un peu épileptiques, et certains zooms sont franchement hideux à regarder. De surcroît, certains personnages sont laissés dans l'ombre alors qu'on aimerait bien en savoir un peu plus sur eux (comme les gitans qui accompagnent le duo dynamique dans ses aventures européennes).
Sans oublier ce qui reste à mes yeux la pire faute de goût du film : l'élimination d'Irène Adler pour la remplacer par le personnage fade de Simza (jouée par Noomi Rapace), qui peine à convaincre. Dommage, Rachel McAdams est une actrice particulièrement appréciable, ne manquant ni de talents, ni de charmes, et son personnage était l'un des meilleurs atouts du premier film. Imaginez si on avait tué Leia dès le début de l'Empire contre-attaque. Charmant.
Mais ceci reste excusable, car le meilleur atout du premier film est de retour : le duo Robert Downey Jr/Jude Law. Une fois de plus impeccable, les comédiens ré-endossent à la fois les rôles de ressorts comique et de protagonistes. Watson, désormais marié, est en permanence consterné par le comportement de son partenaire, tandis que, pince-sans-rire, Sherlock demeure extravagant et fin dans son travail, qui requiert cette fois la totalité de son "immense" talent.
Et en effet, celui-ci ne sera pas de trop dans une aventure qui met en scène (comme la fin du premier film le laissait entrevoir) une confrontation du détective londonien avec son ennemi iconique, le professeur Moriarty. Interprété par Jared Harris (et remarquablement doublé en français par Patrick Osmond), il se présente comme une sorte d'incarnation maléfique de Holmes, tout aussi génial et retors que lui (voire beaucoup plus) mais qui aurait mis ses dons au service de ses propres intérêts, même si le film ne s'avance pas davantage sur ce point.
C'est pourquoi la totalité des deux heures représente un immense duel entre deux immenses esprits. Les deux adversaires ne s'affrontent jamais directement (ils n'en viennent jamais pour ainsi dire aux mains), mais leurs machinations occupent l'écran, faisant de l'Europe entière un champ de bataille pour leurs génies rivaux, un champ de bataille qui décidera d'autres batailles, beaucoup plus sanglantes...
Car alors que le spectre translucide de l'occultisme victorien flottait sur le premier opus, le fantôme métallique de la guerre se profile dans celui-ci (avec moins d’omniprésence cependant). Alors que les enjeux de Sherlock Holmes premier du nom ne concernaient directement que l'Angleterre, il est ici question de l'Europe entière et à long terme de « l'effondrement de la civilisation occidentale ».
Enfin, l'on pourrait s'étendre sur le retour de l'exquise Kelly Reilly dans le rôle de Mary Morstan, où sur l'introduction de l'incroyable Stephen Fry dans celui de Mycroft Holmes, agent secret bien plus frappé que son frangin Sherlock, mais ce serait inutile – et onéreux en termes de temps.
On n'a certes pas affaire à un chef d'œuvre, à un monstre sacré qui redéfinira le cinéma pour les cinquante années à venir. Juste à un excellent divertissement, haletant, prenant, hilarant et furieusement anglais qui mérite qu'on lui consacre un couple d'heures.