Les papys du rock ont du mal à quitter le devant de la scène. Les Stones, disons le tout de suite, ça n’a jamais été ma tasse de thé. La rencontre avec Scorsese est tellement inattendue que j’ai été assez curieux de voir le résultat. Ça peut être complètement dingue, ou tout à fait commun. On a un concert filmé avec X caméras, sous plein d’angles, et c’est monté par quelqu’un qui leur veut du bien, aux Stones. Où est Scorsese là-dedans ? Entre deux morceaux, on peut voir des archives rigolotes. On voit par exemple Jagger jeune, qui dit dans les années 60, qu’il donne un ou deux ans au groupe, avant de passer à autre chose. On voit que malgré le poids des ans, il est toujours alerte sur scène, il bouge comme un lutin monté sur 2000 volts. Keith Richards est poseur, comme d’habitude. Par moments, on pense qu’il va s’endormir sur sa guitare, tellement il pose. Et soudain, il pousse la chansonnette, avec une « cigarette », d’une main, et sa guitare de l’autre. Une scène très rock n roll, qui a dû donner la migraine à tous les professeurs de chant de la planète ! Mais le vrai sujet est ailleurs.
Pourquoi ça marche au fait ? Qu’est-ce qu’ils font toujours là ? Les autres sont morts, ou à la retraite, ou perdus dans la nature, eux, ils résistent. Comment ils font ? Pourtant ce ne sont pas les meilleurs, ce ne sont pas les plus beaux, toute la critique rock le répète à longueur de temps. Eux-mêmes, Stones le reconnaissent. Pourquoi sont-ils aussi inusables ? Pour moi, c’est la seule question que se pose Martin, derrière sa caméra. Pourquoi ça marche toujours ? Et il nous donne une partie de la solution. Pourquoi Keith Richards donne sa guitare à Buddy Guy ? Parce qu’il est complètement largué sur le morceau blues, et reconnaît qu’il n’est pas à la hauteur. Pourquoi il nous montre Cristina Aguilera, sans doute surexcitée par l’évènement, qui déboule sur scène avec une telle énergie qu’elle en perd le contrôle, et elle se fait remettre dans le groove par un Jagger, pro sur le bout des ongles, sans flipper, sans s’énerver. Pas de doute. Si ça marche, c’est que ces gars ont une humilité complètement hors de propos dans le domaine rock. Une humilité qui fait qu’ils font exactement ce qu’ils savent faire, et rien de plus, rien de moins.
On les imaginerait arrogants, ils sont seulement bosseurs, poseurs, et ils auraient arrêtés depuis, longtemps, si le succès les avaient pas quittés. Le succès ne les a jamais quittés. Il suffit de voir les premiers rangs du public. Des parents avec leurs enfants, jeunes et vieux mélangés, le public se renouvelle de lui-même. Ils ont trouvés leur niche, le rock familial. Avec le morceau traditionnel country pour ménagère de moins ou plus de 50 ans, qui tombe à point nommé. Très consensuel car c’est devenu une institution du rock. C’est un concert de charité de plus, avec toutes les célébrités comme Bill Clinton qui vient faire une apparition au début, un groupe de vieux rockers qui pose, car le business is success, and business. Ça donne un concert normal des Stones, et un petit Scorsese.