L'entrée dans le film, c'est d'abord ce visage démentiel qui occupe le tiers gauche de l'affiche de Shining. Jack Nicholson, grimaçant et lorgnant du coin de l'oeil la pauvre Wendy dans une des scènes les plus angoissantes, lorsque Jack Torrance (l'acteur et le personnage portent le même prénom) perd définitivement la tête.
Rappelons que Torrance a accepté quelques semaines plus tôt le poste de gardien de l'Overlook, cet hôtel perdu dans les montagnes du Colorado, et y a débarqué avec sa femme et leur fils, Dany. Une double opportunité pour un homme qui semblait jusqu'à présent cumuler les échecs : ex-professeur et pas encore écrivain, son enthousiasme pour prendre ce travail correspond à son envie de se "refaire". Sauf que tout ne va pas se passer comme prévu. Et le brave père de famille va petit à petit se transformer en grand méchant loup...
Nicholson est tout simplement dément dans son interprétation de Torrance. L'évolution de son personnage, la modification progressive de sa gestuelle, de ses expressions, de son humeur participent de la fascination qu'exerce le film sur le spectateur. Nicholson réussit sans l'artifice du maquillage, à rendre compte physiquement de la détérioration psychologique dont est victime Jack Torrance.
Tous les registres émotionnels y passent : la bonhommie des première scènes (Torrance semble enjoué et sympathique), laisse ensuite la place à une forme de langueur ou d'abattement (la première scène où il délaisse son manuscrit pour jouer au base-ball dans la grande salle) puis à l'agacement (lorsque sa femme vient le voir à l'improviste), la colère (dans l'escalier) et enfin la folie. Folie douce, lorsqu'il parle avec les fantômes (excellents dialogues tout en violence retenue avec l'ex maitre d'hôtel), ou folie furieuse lorsqu'il s'attaque aux vivants.
Car toute la force du jeu de Nicholson est dans cette alternance émotionnelle. Il peut sourire à sa femme tout en ayant en tête de la liquider, il peut lui demander pardon tout en lui susurrant qu'il va lui exploser la tête, son sourire est menaçant, son rire annonce la mort. Il est en cela très proche d'un autre personnage de Kubrick, le Alex d'Orange mécanique (Malcolm Mac Dowell).
Dans les vingt dernières minutes, (jusqu'à cette ultime photo mystérieuse où il apparait souriant et détendu dans un bal des années 20), Nicholson semble totalement habité par son personnage : ses mimiques démentes, ses yeux révulsés, sa voix chevrotante ou hurlante...tout contribue à faire de Mister Jack Torrance un des très très grands malades de l'histoire du cinéma.
https://www.youtube.com/watch?v=RxXgktFyVUw
https://www.youtube.com/watch?v=C1eEl86rXsc
https://www.youtube.com/watch?v=pc0_SYZJfzU&t=149s
https://www.youtube.com/watch?v=Qu3xxq5F3Gw
Personnages/interprétation : 10/10
Scénario/histoire : 8/10
Mise en scène/réalisation : 9/10
9/10