Shining est un sacré bon film d'horreur. Kubrick décide d'utiliser le moins d' effets faciles possible pour faire peur; comme le jump scare commun à beaucoup de films du genre(je crois qu'il y en a un seul sur tout le film); et décide plutôt d'instiller un malaise, une angoisse qui va monter graduellement tout au long de son film. Il va même jusqu’à éviter de montrer certaines scènes clés tel que la première visite de Danny dans la chambre 237 (217 dans le livre). Ce qui intéresse Kubrick, c'est la dégradation. Dégradation des relations au sein de la famille, dégradation de la santé mentale de Jack, et même dégradation de la situation spatiale alors que l'Overlook se transforme peu à peu en labyrinthe (même littéralement puisque Kubrick décide de terminer son film au sein d'un labyrinthe). Les thèmes principaux du film sont donc la dégradation et de manière évidente la folie.

Toutes ces thématiques apparaissent déjà dans le nom de l’hôtel . Bien sur le mérite n'en revient pas au réalisateur, mais bien à King lui-même. To overlook peut avoir plusieurs significations en anglais:

- Avoir vue, donner sur, qui renvoie à la dimension spatiale de l’hôtel;

- Laisser échapper ou oublier, qui renvoie à l'état mental de Jack qui laisse échapper ses démons

- Négliger, ne pas prendre en compte, qui renvoie aussi bien aux écrits de Jack comme à son attitude vis à vis de sa famille

- Enfin, surveiller/contrôler, comme ce que les entités habitant l’hôtel font vis à vis de Jack, où ce que Jack veut faire subir à sa famille en les "contrôlant" de la manière la plus définitive qui soit.


Tant qu'on est à parler de Stephen King, il faut dire qu'il a peu apprécié le film à sa sortie, car il trouvait que Kubrick était très peu scrupuleux quand à l'adaptation de son livre. Le thème de l'alcoolisme très présent dans le livre est à peine survolé dans le film de Kubrick, et King trouvait que Jack Torrance se laissait trop vite emporter dans sa folie sans lutter. Pour l'auteur, on ne voyait pas assez à quel point Jack est une bonne personne qui malgré une lutte acharnée qu'il mène face à ses démons finit par perdre ce combat intérieur. Il faut dire que bien après avoir écrit ce livre, King s'est aperçu que The Shining parlait de lui, de son propre alcoolisme et de la dégradation qu'il induisait dans ses relations avec sa famille comme dans son travail d'écrivain (il ne se souvient pas avoir écrit Cujo tant il était bourré par exemple). The Shining est donc pour King comme une autobiographie d'une époque de sa vie vue dans un miroir déformant, et il est normal qu'il n'ait pas apprécié le peu de respect que Kubrick avait pour le livre dans son adaptation. Un livre un peu trop intimement lié à une période de sa vie pour qu'il apprécie qu'on y touche. A noter que King est revenu en partie sur cet avis, et considère maintenant le film de Kubrick comme un bon film.


The Shining n'est pas un film qui vous fera mourir de peur où vous cacher sous votre couette. Vous le regardez avec fascination, mais sans véritablement avoir la trouille. Par contre, une fois le film finit, il va continuer à vous poursuivre avec sa hache comme Jack poursuit Danny. En regardant The Shining, il faut vous attendre à une expérience plus dérangeante qu'horrifique. Tout participe à cela. La mise en scène où la caméra n'est que rarement fixe,où tout se déplace, tout est en mouvement. C'est de cette instabilité formelle que surgit une partie du malaise que le film provoque . La musique qui vous fait pénétrer dans la psyché de Jack, et dans l'angoisse de Danny et de sa mère, L'utilisation d'une lumière crue, d'une lumière morte(pour faire plaisir à Saï King qui utilise cette expression dans un de ses livres), particulièrement adaptée à un film nommé The Shining plutôt que de l'obscurité si souvent utilisée dans d'autres films d'horreur pour créer l'angoisse (les scènes de la salle de bain, du labyrinthe,... presque surexposées en sont des exemples flagrants). Kubrick prend donc le contre-pied des conventions propres aux films du genre et renforce encore la sensation d'étrangeté de son film.

Au niveau des acteurs, Jack Nicholson est parfait avec sa tête de fou, même si effectivement, il a déjà tellement une tête de malade à la base qu'il doit parfois en faire des tonnes pour avoir l'air encore plus barjo. On peut appeler ça du cabotinage, mais quand ça reste aussi fascinant, j'aurais plutôt tendance à appeler ça du génie. Shelley Duvall est parfaitement castée justement parce qu'elle est loin d'être parfaite, et a une tête et des attitudes tellement agaçantes qu'on aimerait pouvoir lui mettre une tarte nous même ce qui crée encore plus de malaise, car ça nous renvoie au fait qu'on pourrait tous être Jack. Quand au petit Danny, il s'en sort bien pour un enfant acteur avec ses attitudes d'autiste (Redruuum, Redruuum).

Plus de trente ans après sa sortie, The Shining reste un classique du film d'horreur et un classique de la filmographie de Stanley Kubrick qui aura encore une fois été capable de se frotter à une genre différent et de créer un film iconique. Un film qui vous brûlera la rétine et le cerveau qui se trouve derrière comme si vous étiez pris dans la lumière des phares d'un camion monstrueux qui vous fonce dessus à toute vitesse.

Samu-L
9
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le 22 déc. 2013

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Samu-L

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