Shining, classique du cinéma d'horreur au même type que L'exorciste, inspiré du roman éponyme écrit par Stephen King en personne, réalisé par Stanley Kubrick, mettant en scène Jack Nicholson, Shelley Duvall et Danny Lloyd dans les rôles principaux, l'hôtel Overlook vous accueille vous et votre famille pour un séjour inoubliable. Attention, la direction décline toutes responsabilités quant à ce qu’il adviendrait de vous si vous tentiez d’entrer dans la chambre 237…
Parce qu’on peut flipper même quand il y a de la lumière
Chef d’œuvre du genre, à des années lumières des codes et mise en scène du genre, regarder Shining c’est garder des séquelles. Ce film intégrant surnaturel, maison isolée et hantée, mettra vos sens à rude épreuve dès l’ouverture. Ames sensibles, s’abstenir.
Ambigüités, mystères, folie, vision cauchemardesque, complexité, esprits fantomatiques, grâce à sa musique stridente, angoissante au possible et son climat silencieux ultra pesant, Shining n’est pas un film d’horreur, plutôt un film de terreur, scotchant du début jusqu’à la fin, créant un genre de malaise mixé à du rire jaune. Parce que oui, Shining a beau être flippant, ses personnages principaux, de par leur apparence, leur caractère et leur action, font par moment rire malgré eux. La famille de cas sociaux de toute sa splendeur. Ce qui leur arrivera ne sera que plus jubilatoire.
Jack Torrance : Jack ne respire pas la beauté masculine, pire il a la tronche d’un véritable psychopathe. Et pourtant, une femme l’a épousé et a même eu un gosse avec. Jack, c’est l’archétype de l’homme égoïste qui voulait tout, tout de suite et c’est précipité sur la première venue. Résultat, le voila se retrouvé dans un cruel dilemme : le temps pour soi. Complètement paumé, sans le sous à cause de ces dettes, il compte sur son emploi dans l'hôtel Overlook pour surmonter cette crise financière.
En même temps, il rêve d'écrire, voir son envie de venir un écrivain se concrétiser. Problème, pour trouver l'inspiration, il faut être au calme. Entre un gosse qui fait un bruit monstre sur le plancher en parcourant l'hôtel en tricycle et une femme crampon au possible, difficile de garder son calme. Déjà qu'il a des problèmes d'alcool et de gestion de la colère, cet homme frustré, impatient et colérique risque d’exploser à tout moment. Peut être aurait-il dû réfléchir après avoir entendu l’histoire sur ce qu’était devenu son prédécesseur ? Jack Nicholson, habité par le personnage, explose l’écran par son charisme, écrasant tout sur son passage, il a du répondant, une allure diabolique, perverse et malsaine, il est la star. Possession démoniaque/fantomatique ? Folie ? On ne sait pas, c’est ce qui rend le film encore plus délicieux.
Wendy Torrance : Dans le genre naïve, pas très futée mais attachante de par son coté si fragile et paumé, on peut dire que Wendy en tient une sacrée couche. Femme très amoureuse de son mari, mère aimante, Wendy et son look plus que discutable, son teint pale, ces traits fatigués, digne de figurer dans un film de Tim Burton, n’a, hormis son fils, personne à qui parler. Six mois enfermé dans un hôtel, ça change une vie. Shelley Duvall montre bien la peur, habitée elle aussi par son personnage. La pauvre aura gardée de lourds séquelles de son rôle. Tragique.
Danny Torrance : Je ne sais pas si c’est son jeu un peu trop dans l’excès ou sa coupe de cheveux douteuse qui joue dessus mais canard (c’est son surnom), autant j’ai envie de le protéger, autant j’ai envie de le donner en pâture aux sœurs jumelles. Le gosse est un schizophrène à n’en point douté et on le laisse en liberté, se servant de son petit doigt prénommé Tony (un esprit pouvant lui montrer des visions du passé ou du futur) pour dire tout haut ce qu’il pense tout bas. Sale gosse ! Autant effrayant à cause de ses cauchemars et visions cauchemardesques qu’empathique, Danny, est plus qu’une victime, il est le témoin de la folie de son propre père. Encore un gosse traumatisé à vie.
Comment ne pas mentionner Dick Hallorann, le cuisinier de l'hotel Overlook ? Grand noir sympathique possédant tout comme Danny le Shining, Dick se liera très vite d'amitié avec l'enfant dès leur première rencontre. Bienveillant, d'une générosité forçant le respect, le mec va quand même prendre l'avion, une voiture et un chasse-neige pour venir à la rescousse de Wendy et son fils. Un warrior.
Viens jouer avec nous Danny !... à jamais... à jamais.
Dérangeant, déstabilisant, fascinant
Techniquement aussi, Shining est irréprochable. On la sent l’immersion. Merci la steadicam. La scène d’ouverture filmée en hélicoptère survolant le trajet amenant au lieu de notre histoire, le raccord montrant la maquette miniature du labyrinthe placé à coté de l’hôtel plongeant sur le vrai labyrinthe où se promènent Wendy et Danny, la séquence finale, une mésaventure comme si vous y étiez. Le meilleur : les plans où Danny, caméra placée juste derrière lui, se balade dans l’hôtel sur son tricycle. Qui n’a pas rêvé de faire une chose pareille ? Pas de musiques, pas un mot, ne s’entend que le bruit des roues du bolide rayant le parquet. On la sent l’immensité de l’hôtel, on l’a sent la peur qu’une chose terrifiante peut apparaitre à tout moment.
Shining fait douter sur la nature des apparitions dans le lieu de son intrigue. Fantômes ou pas ? Folie ou pas ? On ne sait pas, on le comprendra très tard, voir, on ne le comprendra pas du tout tant ce film peut être à la fois confus, complexe et difficile à réellement cerner. C’est ça qui le rend si bon, permettant de se précipiter, si tenté qu’on n’est pas compris le fin mot de l’histoire, de chercher des réponses à nos questions sur internet. Etant donné que nous assistons à la destruction d’une famille avec un père un poil dérangé, les apparitions pourraient très bien n’être que dans l’esprit de ce dernier. Seulement, certaines scènes sèment le trouble, amenant à tout remettre en question.
Stanley Kubrick prend plaisir à nous malmener psychologiquement, jouant avec nos nerfs, nos hypothèses, refusant la facilité, déversant au passage quelques scènes répugnantes comme la morte vivante nue dans la baignoire, toute pleine de pustules purulentes. Ne comportant pratiquement aucunes scènes de nuit, Shining fait sa petite révolution, prouvant que même avec de la lumière, on peut faire peur. Des apparitions de se torrent de sang se déversant dans le hall, en passant par le bureau gigantesque de Jack, de la rencontre entre Danny et les jumelles en longeant par ses quelques séquences surréalistes (la chambre 237, le bar de l’hôtel), l’œuvre de Kubrick marque le génie « pervers » du réalisateur.
Je ne te ferai rien. Wendy, ma chérie, éclatante lumière de ma vie, je
ne te ferai rien. Tu ne m'as pas laissé finir ma phrase, je disais :
je ne te ferai rien, je vais simplement te défoncer la gueule.
Au final, révolution technique et narrative, musiques angoissantes, atmosphère pesante, mystères, interrogations, terreur, fun, jeu grimaçant, acteurs habités par leurs personnages, bienvenue dans Shining, chef d’œuvre de l’horreur vous immergeant complètement dans un univers qui ne vous en fera pas ressortir indemne. Vous allez vous plaire dans cet hôtel.