Un film d’horreur génial et labyrinthique, quelle mise en scène fascinante ! Quelle ambiance ! Le cadre sublime, l’atmosphère glaciale, les lents travellings, les lieux / décors terriblement inspirants… C’est une incroyable immersion dans l’Overlook où la vision du fils Danny (son « Shining ») est bien évidemment liée aux découvertes et inspirations du père Jack (écrivain raté), dans cet immense hôtel isolé et inoccupé, et recelant des horreurs indescriptibles. Par exemple, Danny a sa première vision juste après que Jack apprenne qu’il y avait eu des meurtres. La toute première inspiration de Jack, et il s’en servira aussitôt pour donner un pouvoir exceptionnel à son fils et ainsi compenser le traumatisme qu’il lui a causé et aussi pour se compenser lui-même dans sa culpabilité. Kubrick laisse intelligemment subsister des doutes dans la narration, surtout par rapport à la réalité de ce qu’il se passe, la tournure que prend progressivement le récit, où l’on se demande vraiment si l’on n'est pas passé de la réalité à la fiction qu'écrit Jack justement. Cette photo à la fin, Jack l’a déjà fantasmé au début quand l'hôtel lui a été présenté, il a ainsi fantasmé cette image et a voulu faire partie de ces grandes personnalités en photo qui fréquentaient cet hôtel à sa grande époque, grâce à l'oeuvre qu'il est venu écrire. En gardant à l’esprit que tout ce qui se passe vient, à l’origine, de son oeuvre qu'il écrit, on peut comprendre bien d'autres choses... (c’est pour moi la plus grande force du film, sa narration d’une intelligence et d’une richesse exceptionnelles, les nombreuses pistes passionnantes qui peuvent en ressortir mais aussi ce doute qui subsiste toujours quelque part, mais ici c’est fait avec pure génie, il y a là matière à imaginer, énormément) Mais il se rend compte du danger qu'il représente pour sa famille (lorsqu’il rêve qu'il les tue et qu'il se réveille brusquement, terrifié, là on voit bien qu'il ne veut absolument pas qu’une telle atrocité se produise), et comme il veut également accomplir son oeuvre, alors il s'en sert comme échappatoire et se transforme en "méchant", un méchant identifiable au tueur dont il s'inspire évidemment, aussi au « grand méchant loup » (la référence aux petits cochons) par exemple, mais en un loup assez pitoyable et qui ne fait qu'échouer à chaque tentative, permettant à sa famille de lui échapper de manière spectaculaire, dans une incroyable et terrifiante poursuite qui s’achèvera en apothéose. D’ailleurs, Wendy en prendra beaucoup pour son grade étant donné toute la pression psychologique qu’elle a causée à Jack, il "vide son sac" mais l’épargnera... Et donc, après un tel spectacle à travers tout l’hôtel (dont tous les lieux l’ont déjà inspiré), il a accompli son oeuvre non pas criminelle mais littéraire, il a gagné sa place parmi les grandes personnalités de l'hôtel. Cette étrange photo d'une époque lointaine et révolue où l’on peut voir Jack signifie qu’il a réussi à devenir un vrai grand écrivain. Pour moi LE chef-d'oeuvre des chef-d'oeuvres de Kubrick. Interprétations incroyables, bien sûr.