Soyons clair, même si j'éprouve une sorte de mini-fascination pour les films d'horreur pour le défi presque infantile qu'ils soulèvent et pour la puissance qu'ils dégagent, force est de constater que le genre est souvent de la soupe pour adolescents fondés sur les mêmes artifices à deux sous, à des personnages ridicules et à des zombies/fantômes très méchants de partout.


Or, l'horreur/épouvante a l'intérêt d'immédiatement réveiller des parties mystérieuses du moi : la psychologie et l'inconscient. En ce sens, Shining mérite amplement le statut de grand film (et c'est re que je dise cela, surtout pour les films connus massivement) parce qu'il flirte justement avec cette limite tout en offrant par sa construction et sa retenue plusieurs référentiels d'appréciation : film d'horreur, film sur les rapports de couple, film sur la fragilité de la psychologie humaine.


Sur mes trois visionnages, la première fois- tout seul chez moi la nuit, j'ai bien morflé - a évidemment été majoritairement focalisée sur l'horreur du film. Ici, point de zombies/fantômes ridicules et moches, place plutôt à la conjonction d'un malaise à huis clos et d'une tension permanente induite par l'incusrsion d'un mal mystérieux et lent dans l'esprit de Jack Torrance, personnage interprété avec le jeu d'acteur incroyable de Jack Nicholson (et c'est très rare les films où vraiment l'acteur joue de façon magistrale jusqu'à représenter une grande partie de l’intérêt du film, d'ailleurs je suis plutôt sceptique la plupart du temps face aux ovations sur des jeux d'acteurs juste banals par les spectateurs). Ce qui est fort est la conjonction d'un surréalisme de l'intrigue à l'esthétique baroque des lieux et des scènes qui apporte à la fois l'induction du meutre et du sang au malaise psychologique induit par les nombreux éléments mystérieux ("juste-ce-qu-il-faut") du film (qui est Tony ? qu'est-ce que la gold room ?). Je ne vais pas m'étendre là-dessus mais il est clair que ce n'est pas l'action qui fait vraiment peur mais plutôt cette sensation d'étau inqualifiable qui se resserre sur le film. Oui, Shining fait peur parce qu'il réveille l'imaginaire, et rien ne fait plus peur que l'imaginaire.


Mon second visionnage avec un ami a été davantage focalisé sur le sens métaphysique et la psychologie. Car oui, ce qui est intéressant dans ce film est aussi ce trouble qui existe entre l'existence de la partie ésotérique du film et l'attribution à cette folie lente qui s'empare des personnages, surtout de Jack. Le trouble jeté par les clichés de fin et l'invraisemblance de la gold room crée ce malaise : on a envie de croire que tout ceci n'existe mais, mais si c'est el cas alors on pourrait aussi tomber dans cet état ? Là encore, le film est réussi notamment grâce à l'expressivité de Jack Nicholson juste exceptionnelle.


Enfin, mon troisième visionnage a été le plus riche de tous car, libéré de la peur, j'ai pu m'intéresser avec le même ami à tous les détails du film qui est absolument impressionnant dans son niveau de finition. En vrac, j'ai beaucoup aimé : le moment où Dany vient voir son père que l'on voit que dans la glace, lui donnant de l'irréalité et suggérant cette désertion du "vrai" Jack, le jeu d'acteur du barman, le pacte insidieux que signe Jack ("je donnerai mon âme au diable pour un verre") et qui le dérange (il veut payer) ; la manipulation magistrale de Grady qui arrive à faire définitivement basculer un Jack réticent au départ ; les dangers du déséquilibre dans le couple, que ce soit dans la soumission initiale de wendy à la perte d'estime de Jack du fait de sa situation ; la répétition du mot "responsabilité" qui montre l'aliénation d'un Jack qui a perdu confiance ; la schizophrénie de Jack dans son demi-aveu au barman de la violence contre son fils... Le niveau de détail atteint est proprement impressionnant et le film traite en réalité de nombreuses thématiques de façon presque toujours brillante. et qui parle par son réalisme au coeur.
Ainsi, malgré l'inutilité du cuisinier qu'on nous inflige pour qu'il finisse par se faire one shot dès son arrivée à l'hôtel, Shining est pour moi une réussite du début à la fin avec la qualité rare d'être polymorphe.

Foulcher
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le 8 oct. 2016

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