"A l'aube, quand le roi s'éveilla, il vit à ses côtés ce dattier sans épine qu'était Shirin."

Le dispositif mis en place déjà expérimenté dans le film à sketches Chacun son cinéma avec Roméo & Juliette pourra rendre dubitatif, faire sourire voire profondément exaspérer. Dans tous les cas, il est légitime de douter et de se méfier de ce système qui semble par essence voué à l'échec : 1h30 de gros plans sur des femmes regardant un film pourra sembler fort ennuyeux et totalement vain, quand bien même l'assistance comporte de forts jolis minois.

Pourtant, cela fonctionne. Tout d'abord grâce à son histoire. C'est celle de Khosro et Shirin, adaptée d'un des cinq poèmes de Nizami (XIIe siècle) inspirés du Shah Nameh de Firdousi, construisant tout un mythe romantique sur le Khosro II historique. Ce couple est véritablement le Roméo et Juliette local, repris depuis des siècles dans la miniature, la poésie et le cinéma ; les dynasties Qadjar et Pahlavi se réclameront de ces anciens rois.
Mais ici le réalisateur opère un reversement semblable à sa caméra et à son titre, délaissant le fameux prince vigoureux, fils d'Ardashir, pour centrer la narration sur la jeune Shirin. Tout comme le drame de Shakespeare, on a ici une histoire d'amour simple mais profondément tragique où le sort s'acharne contre leur bonheur. Même ceux ne connaissant pas du tout l'histoire la comprendront aisément bien que certains épisodes célèbres ne soient pas toujours très explicites sans images (notamment le bain, sans doute le plus repris dans la peinture).

Et loin de toute intellectualisation de ce processus, il y a ces femmes, toutes voilées bien entendu, des visages jeunes plus ou moins doux, frimousses rondes ou fines, des sillonnés et des burinés et à se plonger dedans, le spectateur vit véritablement l'histoire dans le reflet non pas de leurs prunelles mais de leurs sourires, de leurs sourcils et de leurs larmes. Au final, bien plus que par les dialogues, les bruissements de baisers ou les cliquetis de poignards ; c'est par la réaction de ces visages que l'on comprend les événements.

Aussi, en suivant Abbas Kiarostami qui nous conseille de visionner son film sans sous-titres, il est probable qu'il ne perde ni de sa superbe ni de son éloquence.
Nushku
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le 26 août 2011

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